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union européenne - Page 3

  • Valéry Giscard d'Estaing, à la postérité intacte...

    « Il a mis au point son personnage, qui correspond à une certaine idée, chez le téléspectateur et surtout chez la téléspectatrice, de l'homme jeune encore, fort, riche, puissant, intelligent, équilibré, détective, qui gagne à tous les coups et dont les films américains ont fixé le type. » (François Mauriac, le 30 mai 1964, il y a soixante ans).



     

     
     


    Il y a cinquante ans exactement, le dimanche 19 mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing a été élu Président de la République avec 50,8% des voix, soit 13,4 millions d'électeurs. Pour l'histoire de la Cinquième République, ce fut une étape importante, celle du changement dans la continuité, celle de postgaullisme sans gaullisme.

    Il faut imaginer l'homme. Vous êtes ministre des finances et à ce titre, votre bureau est au Louvre, rue de Rivoli. Sur le balcon du premier étage, vous voyez les passants, les touristes. Vous avez un léger, très léger, oh, à peine décelable, sentiment de supériorité. Vous, ce dimanche soir, vous êtes préoccupé mais à peine. Vous saviez déjà que vous allez gagné. Vous étiez tellement sûr de vous. Vous saviez que ce serait serré mais vous ne pouvez pas perdre parce que vous êtes le meilleur, sur le fond comme sur la forme. Vous avez battu sans contestation votre contradicteur au premier duel présidentiel à la télévision grâce à deux ou trois formules choc. Vous étiez prêt. Et vous aviez envie. Conviction et ambition.

    Vous avez voté tôt le matin. Il est maintenant dix-huit heures, dix-huit heures trente. Vous êtes bien assis dans votre fauteuil, un papier et un crayon en main et vous regardez la télévision... qui ne dit rien d'intéressant, qui meuble en attendant vingt heures, la fermeture de tous les bureaux de vote (certains ferment dès dix-huit heures). Vous n'avez pas de smartphone, parce que vous êtes encore dans les années 70, mais vous avez votre vieux téléphone à cadran près de vous, prêt à dialoguer avec votre principal interlocuteur : Michel Poniatowski. Ce dernier appelle tous les cinq minutes. Et une dernière fois, la plus importante. Il a les premières estimations. Il gagne. Au bout du fil, vous restez froid. Vous le saviez, vous étiez le meilleur. Vous devenez le chef d'État de la cinquième puissance mondiale (la Chine et l'Inde étaient encore loin de la compétition économique). Vous avez gagné votre pari. À 48 ans, vous entrez dans l'Histoire. Deux ans avant De Gaulle. Vous serez la France... et tant pis pour les Français.
     

     
     


    Peut-être que tout ça, cette sérénité affichée, ce calme olympien, tout ça était téléphoné, tout ça était sûrement téléphoné, tout ça était pour la caméra qu'il ne pouvait pas oublier. En tout cas, c'est ce qu'on peut voir dans le film de Raymond Depardon, une sorte de téléréalité de campagne électorale, la première du genre en France (Serge Moati en a fait une mémorable en 2002 aux côtés de Jean-Marie Le Pen), film dont VGE a interdit la diffusion pendant longtemps, jusqu'en 2002. Saisir l'instant fatidique où il sait, où il est sûr qu'il est élu. « Quelle histoire ! » dira son successeur le 10 mai 1981.

    Comment les Français ont-ils pu élire un Président si intelligent, si subtil, si intellectuel ? Si peu représentatif d'eux-mêmes ? Il faut se remettre dans le contexte. À l'époque, Giscard était très novateur dans la communication politique. Il donnait envie. Il avait fait une campagne joyeuse. Pour la première fois, un homme politique a utilisé un membre de sa famille (en l'occurrence, sa jeune fille, adolescente). Maintenant, cela paraît un peu coincé, même condescendant, mais à l'époque, c'était beaucoup plus ouvert que l'épopée gaullienne. Il avait été reçu à la Maison-Blanche par John Kennedy alors qu'il était Ministre des Finances de De Gaulle. Il s'identifiait au jeune Président américain. À la fin de l'entrevue, il lui a demandé : quel conseil me donneriez-vous si je me présentais à la présidentielle ? Un conseil ? JFK lui répondit : soyez joyeux !

    Évidemment, on ne peut s'empêcher d'associer Valéry Giscard d'Estaing et Emmanuel Macron qui a battu le record de jeunesse (39 ans, neuf ans de moins !). Deux jeunes brillants cerveaux qui ont gravi rapidement les marches des palais. Avec une envie folle d'innover, de rompre avec le passé, et surtout, de sauvegarder les intérêts français par une implication totale dans la construction européenne. À une différence énorme près, c'est que Valéry Giscard d'Estaing était un homme politique depuis une quinzaine d'années, Emmanuel Macron, seulement depuis deux ans et demi. Tout le monde politique lui restait encore à découvrir en 2017.

    Troublant anniversaire puisque le septennat Giscard a commencé il y a cinquante ans, et Emmanuel Macron vient de faire un septennat ce mardi 14 mai 2024 (installé à l'Élysée le 14 mai 2017). Ils ne sont pas nombreux ceux qui ont fait au moins sept ans de Présidence réelle. J'appelle Présidence réelle le fait d'être Président totalement libre, c'est-à-dire avec une majorité (absolue ou relative) à l'Assemblée Nationale, donc hors cohabitation. De Gaulle un peu plus de dix ans, François Mitterrand un peu moins de dix ans. Et puis Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac et maintenant Emmanuel Macron sept ans. Les autres, c'est cinq ans. Emmanuel Macron devrait faire dix ans, à presque l'égal de De Gaulle.
     

     
     


    La machine intellectuelle fonctionnait encore parfaitement à 90 ans, des analyses géopolitiques sur l'Europe encore intéressante. VGE a dominé la Cinquième République et je me rends compte aujourd'hui que celui qui était promis à une faible postérité, de manière injuste, a eu cette reconnaissance depuis sa mort qu'il a été un grand Président de la République, qui a beaucoup agi, beaucoup réformé pour faire de la France un pays moderne.

    En été 2023, j'ai ressenti une très forte émotion en découvrant, en attendant à un feu rouge, que le boulevard de l'Europe de la commune d'Évry (devenue Évry-Courcouronnes), celui qui passe devant le centre commercial Évry 2, est désormais baptisé : "boulevard Valéry Giscard d'Estaing", avec la mention "un des pères de l'Europe". Même émotion en voyant que le parvis du Musée d'Orsay s'appelle désormais "esplanade Valéry Giscard d'Estaing".

    Un des pères de l'Europe, il l'a en effet été. Quand on pense au septennat de VGE, on pense trop souvent à l'IVG et à la majorité à 18 ans, des réformes sociétales qui, finalement, n'ont pas beaucoup influé le cours des choses, simplement un ajustement du droit à l'évolution de la société. La libéralisation de l'audiovisuel a eu un impact beaucoup plus important, avec l'explosion de l'ORTF et le début d'une certaine indépendance des journalistes.

    Mais à mon sens, l'innovation majeure a été sa vision européenne. Il a eu deux initiative, soutenue par son homologue allemand Helmut Schmidt, qui fut, d'une part, la fin des "Sommets européens" et le début des "Conseils Européens", c'est-à-dire que lui, l'Européen, avait compris que les avancées de la construction européenne ne pouvaient passer que par une instance comme le Conseil Européen qui réunit tous les chefs d'État et de gouvernement des États membres, seul organe vraiment décisionnaire et légitime puisque chaque membre est issu d'un processus démocratique national ; d'autre part, il a transformé le Parlement Européen en en faisant une instance démocratique, avec l'élection des députés européens au scrutin universel direct, innovation majeure qui, maintenant, va occuper les esprits politiques jusqu'au 9 juin 2024. Bien plus tard, VGE a présidé la Convention pour l'avenir de l'Europe qui a rédigé le TCE, le traité européen qui était le plus franco-compatible que les Français ont rejeté stupidement (je rappelle qu'aujourd'hui, 75% des Français sont favorables à l'euro, ils n'étaient que 51% au moment du référendum sur le Traité de Maastricht en 1992).

    Sur le plan international, VGE a été aussi à l'initiative du G7. Après les deux chocs pétroliers, il considérait qu'il était profitable que les chefs d'État et de gouvernement des sept pays les plus industrialisés du monde puissent se rencontrer et se concerter sur la politique financière, voire puissent harmoniser ces politiques financières. C'était encore le temps de la guerre froide et par la suite, ce cénacle s'est élargi à la Russie (G8) puis jusqu'au G20, incluant la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud, etc.
     

     
     


    Sur le plan intérieur, Valéry Giscard d'Estaing était pour l'ouverture politique, d'autant plus que le RPR lui rendait la vie impossible. Il aurait souhaité nommer un gouvernement centriste qui incluait des socialistes modérés. Mais la stratégie de François Mitterrand d'union de la gauche et d'alliance exclusive avec les communistes, a empêché toute ouverture. En revanche, il a su trouver de bonnes personnalités comme Simone Veil, Raymond Barre, René Monory, Lionel Stoléru, etc.

    Dans le bilan non exhaustif, on pourra aussi penser à l'aspect culturel qui était peu mis en valeur jusqu'à sa mort en raison de l'ombre très lourde culturellement de son successeur. Ainsi, VGE était à l'origine de la Villette, notamment de la Cité des Sciences et de l'Industrie, du Musée d'Orsay et de l'Institut du Monde Arabe.

    Son échec présidentiel le 10 mai 1981 a été ressenti comme profondément injuste, comme une ingratitude de l'histoire si ce n'est des Français. Au-delà d'une vague trahison de Jacques Chirac (personne ne sait vraiment l'influence réelle que cela a eu dans l'esprit des électeurs), il y avait un besoin d'alternance, de changement de majorité, pour raffermir la Cinquième République. Et il a fait beaucoup trop de boulettes de communication, un refus de s'expliquer sur des scandales qu'il jugeait dérisoires mais qui signifiait une sorte de mépris et de suffisance peu acceptables des Français.

    En 1996, André Santini, champion des plaisanteries fines, a déclaré à l'occasion de la mort de François Mitterrand : « Je me demande si l'on n'en a pas trop fait pour les obsèques de François Mitterrand. Je ne me souviens pas qu'on en ait fait autant pour Giscard. ». Bien entendu, il a dit cela quand Giscard était encore vivant, mais il a eu raison : Valéry Giscard d'Estaing est mort discrètement du covid-19, à quelques jours de la distribution du vaccin, et il a refusé toute cérémonie nationale, il a été enterré très discrètement hors des trompettes de la République. Peut-être son dernier orgueil.

    À l'occasion de ce cinquantenaire, ce week-end de la Pentecôte est aussi un week-end spécial Giscard. Pas moins de quatre émissions de télévision reviennent sur les années Giscard.

    "1974, l'alternance Giscard" est un documentaire réalisé en 2019 par Pierre Bonte-Joseph qui est rediffusé sur Public Sénat ce samedi 18 mai 2024 à 20 heures.




    Avec un débat après l'émission dont les invités sont notamment Claude Malhuret, Louis Giscard d'Estaing et Nathalie Saint-Cricq visible à ce lien.

    "1974, une partie de campagne" est un film documentaire réalisé en 1974 par Raymond Depardon et diffusé pour la première fois seulement le 20 février 2002, qui est rediffusé sur France 5 ce dimanche 19 mai 2024 à 21 heures 05.


     





    "Giscard, de vous à moi : Les confidences d'un Président" est un documentaire réalisé en 2016 par Gabriel Le Bomin et Patrice Duhamel, qui est rediffusé sur France 5 ce dimanche19 mai 2024 à 22 heures 35.

    "La TV des 70's : Quand Giscard était Président" est un documentaire écrit par Philippe Thuillier et réalisé en 2021 par Matthieu Jaubert qui est rediffusé sur France 3 dans la nuit du dimanche 19 au lundi 20 mai 2024 à 2 heures 35 du matin.

     

     

     

     



     

     

     


    Ajoutons aussi ce dernier documentaire, "Giscard, le premier Président moderne ?", réalisé pour l'émission "Sens public" diffusée le mardi 14 mai 2024 sur Public Sénat : un portrait débat avec Jean-Pierre Raffarin, Patrice Duhamel et Anne Levade, animé par Thomas Hugues.






    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Valéry Giscard d'Estaing, à la postérité intacte...
    Giscard à Carole Bouquet : est-ce que je peux visiter la maison ?
    Anne-Aymone Giscard d'Estaing.
    François Léotard, l'enfant terrible de Giscard.
    Valéry Giscard d’Estaing et son problème, le peuple !
    Michel Poniatowski, le bras droit sacrifié de Giscard.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Hommage européen à Valéry Giscard d’Estaing le 2 décembre 2021 au Parlement Européen à Strasbourg (texte intégral et vidéos).
    VGE en mai (1968).
    Michel Debré aurait-il pu succéder à VGE ?
    Le fantôme du Louvre.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron d’hommage à VGE le 3 décembre 2020 (texte intégral et vidéo).
    Le Destin de Giscard.
    Giscard l’enchanteur.
    Valéry Giscard d’Estaing et les diamants de Bokassa.
    Valéry Giscard d’Estaing et sa pratique des institutions républicaines.
    VGE, splendeur de l’excellence française.
    Propositions de VGE pour l’Europe.
    Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (1).
    Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (2).
    Loi n°73-7 du 3 janvier 1973.
    La Cinquième République.
    Bouleverser les institutions ?


     

     

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240519-vge.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/valery-giscard-d-estaing-a-la-254447

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/15/article-sr-20240519-vge.html





     

  • Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme

    « Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir. Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant. » (Emmanuel Macron, le 25 avril 2024 à la Sorbonne).




     

     
     


    Le jeudi 25 avril 2024 en fin de matinée dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, au cœur intellectuel de Paris, le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé un discours important sur la construction européenne (qu'on peut lire intégralement ici). Le choix de la date et du lieu n'était pas anodin : à un mois et demi des élections européennes, le chef de l'État voulait faire le point sur la situation de l'Europe six ans et demi après son premier discours de la Sorbonne le 26 septembre 2017. Entre-temps, il y a eu bien des événements, en particulier le Brexit, la pandémie de covid-19, la crise de l'énergie et la guerre poutinienne en Ukraine.

    Profitant de cet appel des médias de la parole présidentielle, la tête de la liste RN Jordan Bardella en a profité pour tenir une conférence de presse dans l'après-midi du 25 avril 2024 afin de présenter le programme européen du RN. L'idée était de se présenter comme le contradicteur numéro un du pouvoir en place. Le problème, c'est que parfois, vouloir être trop habile est stupide. Les écologistes, plus lucides sur les règles imparables de la communication politique, eux, avaient préféré différer justement de quelques jours la présentation de leur programme européen prévue initialement le même jour, se disant que ce second discours de la Sorbonne allait désintégrer tous les autres échos politiques.

    C'est ce qui s'est passé avec le RN avec une comparaison qui n'était vraiment pas flatteuse : d'un côté, le Président de la République qui, avec près de deux heures d'un discours très dense, très précis, très technique, très intelligent et même érudit, a voulu montrer le chemin qu'il entend que l'Europe prenne ; de l'autre côté, un jeune homme un peu endimanché incapable de lire correctement, pendant une vingtaine de minutes, un texte supposé être le programme européen de sa propre liste qu'il semblait découvrir à la lecture laborieuse et refusant prudemment toute question de la part des journalistes. On n'en a pas parlé, de ce programme creux du RN, mais finalement, ça tombait bien, il n'y avait rien à en dire. Bref, d'un côté, le plein et la compétence, le travail et le courage ; de l'autre, le vide et l'ignorance, la paresse et la lâcheté.

    Pour autant, ce second discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron est loin d'avoir été une réussite médiatique et politique pour la liste de la majorité qui a toujours du mal à décoller (euphémisme !). Je ne veux pas prendre mes compatriotes pour des personnes qui ont besoin de leur simplifier les choses, mais il faut admettre qu'une personne normalement constituée, plongée dans la vie active, entre les embouteillages, les préoccupations professionnelles et éventuellement l'éducation des enfants, elle n'a peut-être le temps matériel pour réfléchir sur un discours d'un heure cinquante qui jongle avec les concepts, les mots un peu compliqués et les connaissances historiques. Pas d'inflexion donc de la courbe des sondages, le vide l'emporte encore sur le plein, mais la volonté toujours très ferme de marquer l'histoire, de prendre date face aux défis du siècle, et la construction européenne en est un majeur pour la France.

    Ce second discours de la Sorbonne s'adresse d'abord aux partenaires de l'Union Européenne, parce qu'il faut bien reconnaître qu'à part Emmanuel Macron, il n'y a aucun autre chef d'État ou de gouvernement prêt à prendre leadership d'une construction européenne dont la nécessité se fait autant sentir ces dernières années. Il suffit de regarder les deux autres grandes nations fondatrices de l'Europe : en Allemagne en perte de vitesse industrielle à cause de mauvais choix sur l'énergie, où Olaf Scholz peine à maintenir la cohésion de sa coalition, et en Italie où la Première Ministre est un peu la Marine Le Pen de l'Italie, c'est-à-dire contre l'Europe mais elle s'est écrasée contre le mur des réalités. Seule la France est capable aujourd'hui de donner une impulsion nouvelle à l'Europe.

     

     
     


    Je propose de faire ici un petit résumé du très long discours du 25 avril 2024, sans prendre tous les éléments en considération sous peine d'être illisible.

    Emmanuel Macron a d'abord fait un bilan des sept ans depuis qu'il est à la tête de la France, un retour sur son premier discours de la Sorbonne où il avait évoqué pour la première fois le concept de souveraineté européenne qui est devenu maintenant comme une évidence : « Dans un contexte qui a toujours été, durant ces dernières années, d'accélération des transitions environnementales et technologiques qui rebattent en profondeur les cartes de notre manière de vivre et de produire, notre Europe a décidé et elle a avancé. Et ce concept, qui pouvait sembler il y a sept ans, très français, de souveraineté, s'est progressivement imposé en européen. Et malgré cette conjonction inédite de crises, rarement l'Europe n'aura autant avancé, ce qui est le fruit de notre travail collectif. ».

    Le Président de la République a énuméré six transformations majeures de l'Europe : l'unité financière avec le premier emprunt européen commun (c'est une étape historique) et le plan de relance de 800 milliards d'euros ; l'unité stratégique sur de nombreux domaines pour protéger les citoyens (production de vaccins, achats communs de l'énergie, réforme du marché de l'électricité, défense) ; la souveraineté technologique et industrielle ; la planification de la transition écologique et numérique (le Green Deal : « Pardon de cet anglicisme dans ce lieu. Mais l'Europe est le seul espace politique au monde qui a planifié ses transitions. Et en prenant des directives sur le numérique, qui permettent de réguler à la fois le contenu et le marché, et en prenant un texte qui permet de poser les jalons de notre transition énergétique. ») ; la maîtrise des frontières européennes avec le Pacte asile et migrations ; la coopération avec les proches de l'Union Européenne, en particulier dans le cadre de la Communauté politique européenne (une création d'Emmanuel Macron en 2022).

    Probablement que la partie la plus importante du discours était à ce moment-là pour dire : l'Europe est mortelle ! Voici précisément les propos présidentiels : « Oui, nous avons ces dernières années beaucoup fait. Alors, sans cette action, sans ces progrès de la souveraineté et de l'unité européennes, sans doute aurions-nous été dépassés par l'Histoire. Et d'ailleurs, si nous avions réagi comme nous l'avions fait au moment de la crise financière, la situation serait dramatique. La crise financière, nous l'avions abordée divisés et en étant peu souverains. C'est pour ça que nous avons mis, oserais-je dire, quatre à cinq ans, à la régler quand elle l'a été en moins d'un an aux États-Unis d'Amérique, d'où elle venait. Les crises que nous avons vécues, nous y avons réagi vite, de manière unie, ce qui nous permet aujourd'hui de nous tenir ensemble et d'être là. Pour autant, est-ce suffisant ? Est-ce que je peux me présenter devant vous avec un discours de satisfecit en disant : "Voilà, nous avons tout bien fait, formidable, l'Europe est forte. Allons-y, on continue". La lucidité et l'honnêteté commandent de reconnaître que la bataille n'est pas encore gagnée, loin de là, et qu'à l'horizon de la prochaine décennie, parce que c'est cet horizon-là qu'il nous faut saisir, le risque est immense d'être fragilisés, voire relégués. Parce que nous sommes dans un moment inédit de bouleversement du monde, d'accélération de grandes transformations. Mon message d'aujourd'hui est simple. Paul Valéry disait, au sortir de la Première Guerre mondiale, que nous savions désormais que nos civilisations étaient mortelles. Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir. Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant. Parce que c'est aujourd'hui que se joue la question de la paix et de la guerre sur notre continent et de notre capacité à assurer notre sécurité ou pas. Parce que les grandes transformations, celles de la transition digitale, celles de l'intelligence artificielle comme celles de l'environnement et de la décarbonation, se jouent maintenant, et la réallocation des facteurs de production se joue maintenant. Et la question de savoir si l'Europe sera une puissance d'innovation, de recherche et de production se joue maintenant ou pas. Parce que l'attaque contre les démocraties libérales, contre nos valeurs, contre - je le dis dans ce lieu de savoir – ce qui est le substrat même de la civilisation européenne, une certaine relation avec la liberté, la justice, le savoir, se joue maintenant ou pas. Oui, nous sommes au moment de bascule, et notre Europe est mortelle. Simplement, cela dépend de nous. ».

    Malgré l'effort accompli, il reste encore beaucoup de transformations pour faire de l'Europe une institution protectrice. Emmanuel Macron a fait en effet trois constats. Le premier sur le plan géopolitique : l'Europe doit elle aussi se réarmer face au réarmement généralisé du monde. Le deuxième constat sur le plan économique : le modèle économique et social de l'Europe risque le décrochage face à la compétition mondiale. Enfin, le troisième constat, peut-être le plus grave, sur le plan culturel et intellectuel : notre modèle démocratique, humaniste, laïque et libéral est remis en cause partout, y compris en son sein, par les mouvements populistes. Pour répondre à ces trois enjeux, Emmanuel Macron veut construire une Europe-puissance, une Europe de la prospérité et une Europe humaniste.



    1. Une Europe puissance

    Jusqu'à maintenant, et depuis 1945, à part le France (et le Royaume-Uni), l'Europe a toujours délégué sa défense aux États-Unis. On voit bien qu'aujourd'hui, ce modèle ne tient plus : les États-Unis cherchent à se désengager de l'Europe (la guerre en Ukraine a retardé le mouvement), et le risque d'un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche montre à l'évidence que l'Europe a besoin d'une défense indépendante des États-Unis. Les pro-Européens veulent une défense européenne et ils sont taxés par les populistes de pro-Américains alors que ce sont ces populistes qui, en empêchant l'Europe de la défense, obligent les Européens à déléguer leur souveraineté aux États-Unis (cherchez l'erreur !).

    Pour Emmanuel Macron, il y a d'abord une urgence : « La condition sine qua non de notre sécurité, c'est que la Russie ne gagne pas la guerre d'agression qu'elle mène contre l'Ukraine. C'est indispensable. C'est pourquoi nous avons eu raison, dès le début, de sanctionner la Russie, d'aider les Ukrainiens et de continuer à le faire, d'avoir la chance d'avoir les Américains à nos côtés pour cela, et sans cesse de relever notre aide et d'accompagner. ». Si la Russie gagnait en Ukraine, cela voudrait dire que la force l'emporterait sur le droit international, la barbarie sur la liberté des peuples.


    Et le chef de l'État d'ajouter : « Simplement, j'assume totalement le choix en la matière, le 26 février dernier à Paris, d'avoir réintroduit une ambiguïté stratégique. Pourquoi ? Nous sommes face à une puissance qui est désinhibée, qui a attaqué un pays d'Europe, mais qui n'est plus dans une opération spéciale et qui ne veut plus nous dire quelle est sa limite. Pourquoi chaque matin devrions-nous dire, nous, quelles sont toutes nos limites stratégiquement ? Si nous disons que l'Ukraine est la condition de notre sécurité, que se joue en Ukraine, davantage que la souveraineté et l'intégrité territoriale de ce pays déjà clef, mais la sécurité des Européens. Avons-nous des limites ? Non. Et donc, nous devons être crédibles, dissuader, être présents et continuer l'effort. Mais cette guerre, engageant une puissance dotée de l'arme nucléaire et qui utilise celle-ci dans sa rhétorique, n'est sans doute que le premier visage des tensions géopolitiques avec lesquelles l'Europe doit apprendre à vivre. C'est pourquoi nous sommes en train de vivre un changement très profond en termes de sécurité. Les événements les plus récents ont démontré l'importance des défenses anti-missiles, des capacités de frappe dans la profondeur, qui sont indispensables au signalement stratégique et à la gestion de l'escalade face à des adversaires désinhibés. ».

    Emmanuel Macron veut ainsi construire un véritable pilier européen de l'OTAN, qui serait aussi un pôle de sécurité de la Communauté politique européenne. Il veut aussi poursuivre la construction d'une force d'intervention européenne (force de réaction rapide de 5 000 soldats) et créer une académie militaire européenne. Également bâtir une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense. Et consolider l'industrie de défense européenne (acquisition d'équipements et production) avec un emprunt commun (proposé par la Première Ministre d'Estonie Kaja Kallas). Partager les informations pour lutter contre le terrorisme et les trafics de drogue.

     
     


    Autre proposition : poursuivre les échanges sur la capacité de dissuasion car elle est par essence un élément incontournable de la défense européenne. Cette proposition est peut-être la seule qu'a retenue la presse de ce long discours, et avec raison puisqu'elle est très importante. Contrairement à ce que semblent laisser croire les populistes, il ne s'est jamais agi de partager la dissuasion nucléaire française à un niveau européen (à Vingt-sept), ce qui serait ingérable (et plus du tout dissuasif), mais d'étendre les considérations de l'intégrité territoriale nationale à l'ensemble du territoire européen. En d'autres termes, et avec l'accord des pays concernés bien sûr, il s'agirait au contraire d'un accroissement de la souveraineté nationale de la France qui serait toujours le seul pays à prendre l'ultime décision, le cas échéant.

    Voici les propos présidentiels sur la dissuasion nucléaire : « La dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen. C'est grâce à cette défense crédible que nous pourrons bâtir les garanties de sécurité qu'attendent tous nos partenaires, partout en Europe, et qui aura vocation aussi à construire le cadre de sécurité commun, garantie de sécurité pour chacun. Et c'est ce cadre de sécurité qui nous permettra, le jour d'après aussi, de construire les relations de voisinage avec la Russie. ».


    2. Une Europe de prospérité

    Les objectifs affichés : « On a des objectifs clairs : on veut produire plus de richesses pour améliorer notre niveau de vie et créer des emplois pour tous ; on veut garantir le pouvoir d'achat des Européens (…) ; c'est très concret ; c'est l'objectif de notre politique européenne, on veut décarboner nos économies et répondre aux défis de la biodiversité et du climat ; on veut assurer notre souveraineté et donc maîtriser nos chaînes de production stratégiques ; et on veut conserver une économie ouverte pour rester une grande puissance commerciale que nous sommes. ». L'idée est en effet de conserver une économie ouverte sur le monde tout en défendant nos propres intérêts.

    Cela signifie notamment produire plus et plus vert (produire des batteries 100% européennes, devenir le premier continent zéro pollution plastique, etc.) ; simplifier (allègement de la réglementation pour les TPE/PME, principe de subsidiarité qui respecte les compétences des États membres) ; promouvoir le Made in Europe et devenir leader mondial en 2030 dans cinq secteurs stratégiques : intelligence artificielle, informatique quantique, espace, biotechnologies et nouvelles énergies (hydrogène, petits réacteurs modulaires, fusion nucléaire) ; soutenir la souveraineté agricole et alimentaire y compris pour la pêche (et soutenir la PAC qui profite beaucoup à nos agriculteurs) ; refonder notre politique commerciale européenne sur la base de la réciprocité (avec des accords de commerce respectant nos standards) ; consacrer 3% de notre PIB à la recherche et l'innovation (notamment l'innovation de rupture), en particulier investir dans le remplacement des produits phytosanitaires, dans les traitements contre les cancers et les maladies neurodégénératives ; développer de nouvelles ressources propres de l'Union Européenne sans alourdir la charge d'imposition des citoyens européens (taxe carbone aux frontières, taxe sur les transactions financières, etc.) ; créer un plan d'épargne européen ; réviser l'application des normes prudentielles pour ne pas sur-réguler par rapport au reste du monde.


    3. Une Europe humaniste


    La teneur générale du discours d'Emmanuel Macron à ce sujet est la suivante : « Défendre cet humanisme européen, c'est considérer qu'au-delà de nos institutions, de cette démocratie libérale à laquelle nous tenons, que nous devons défendre et renforcer, c'est la forge des citoyens par le savoir, la culture, la science qui se joue dans notre Europe. Être Européen, c'est penser qu'il n'y a rien de plus important, en effet, qu'être un individu libre, doté de raison et qui connaît. Et au moment où on voit réapparaître le scepticisme, le complotisme, les doutes sur la science et l'autorité de la parole scientifique, nous avons une responsabilité en Européens pour la défendre, l'enseigner, défendre aussi une science libre et ouverte, partager. Ce combat, nous le mènerons à l'international, mais nous devons aussi en renforcer les instruments. ».

    Là encore, dans ce domaine, Emmanuel Macron a évoqué de nombreuses propositions à prendre pour renforcer notre modèle de valeurs, c'est-à-dire, en quelque sorte, notre civilisation européenne : renforcer la condition budgétaire liée l'État de droit (pas de subvention européenne sans respect des valeurs fondamentales) ; lutter contre la désinformation et la déstabilisation venues de l'extérieur ; permettre des listes transnationales aux élections européennes (cela a l'air d'être une petite mesure mais si elle était adoptée, elle serait une grande révolution institutionnelle, j'y reviendrai à l'occasion) ; étendre la majorité qualifiée pour les décisions fiscales et diplomatiques (là aussi, grande révolution institutionnelle potentielle) ; créer des diplômes européens conjoints ; renforcer l'Erasmus de l'apprentissage et de la formation professionnelle (15% en mobilité) ; connecter les villes européennes par le chemin de fer (en s'appuyant sur le succès du Pass Interrail) ; européaniser le Pass culture, protéger nos enfants sur Internet ; inscrire l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (ce que propose la liste Hayer) ; créer un programme européen des solidarités pour aides les États membres à garantir à leur peuple l'alimentation, la santé et le logement.

     

     
     


    À la fin de son discours, Emmanuel Macron est revenu sur le point majeur de son message : « L'Europe est une conversation qui ne se termine pas. Et c'est un projet, d’ailleurs, qui n'a pas de borne. D'un point de vue philosophique, civilisationnel, c'est vrai. (…) Ici même, à la Sorbonne, Ernest Renan se demandait ce qu’était une nation. Et l'heure est venue pour l'Europe de se demander ce qu'elle compte devenir. À mes yeux, parler de l'Europe est toujours parler de la France. Mais vous l'avez compris, nous vivons un moment décisif. Notre Europe peut mourir, je vous le disais, et elle peut mourir par une forme de ruse de l'histoire. C'est qu'elle a fait énormément de choses ces dernières décennies ; c'est, qu'en quelque sorte, les idées européennes ont gagné le combat gramscien ; c'est que tous les nationalismes à travers l'Europe n'osent plus dire qu'ils vont sortir de l'Euro et de l'Europe. Mais ils nous ont tous habitués à un discours qui est le "oui-mais", qui est de dire : "j'empoche tout ce que l'Europe a fait, mais je le ferai plus simple, mais je le ferai en ne respectant pas les règles, mais je le ferai au fond en bafouant ses fondements". Au fond, ils ne proposent plus de sortir de l'immeuble ou de l'abattre ; ils proposent juste de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer. Et ils disent : ça va marcher. ».

    En face de la résignation des nationalistes, il faut l'optimisme : « La réponse n'est pas dans la timidité, elle est dans l'audace. La réponse n'est pas dans le constat de dire : "ils sont en train de monter partout" et de se dire : "on a le choix". Cette année, les Britanniques vont choisir leur avenir, les Américains vont choisir leur avenir ; le 9 juin, les Européens aussi. Mais le choix, ce n'est pas de faire comme on a toujours fait, ce n'est pas juste d'ajuster. C'est d'assumer de porter des paradigmes nouveaux. Alors, je sais bien, après Voltaire, c'est difficile d'être optimiste, c'est peut-être même pour certains une question de crédibilité, je le sais. Mais c'est une forme d'optimisme, de la volonté. Oui, je crois que nous pouvons reprendre le contrôle de nos vies, de notre destin, par la puissance, la prospérité et l'humanisme de notre Europe. Et au fond, au moment où les temps sont incertains, pour reprendre, sans bien la citer, ce qu’Hannah Arendt disait dans "La Condition de l'homme moderne" : la meilleure manière de connaître l'avenir quand les événements reviennent, quand l'imprévu est là, la meilleure manière de connaître l'avenir, c'est de faire des promesses que l'on tient. ».

    On verra en 2030 où en sera l'Europe d'Emmanuel Macron. En tout cas, pragmatique, elle se construit sur des bases solides... et intellectuelles. Fierté d'être Français. Densité et audace. Qui propose mieux aujourd'hui comme projet national ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240425-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/le-souverainisme-europeen-selon-254347

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/25/article-sr-20240425-macron.html






     

  • Fête de l'Europe et fiertés françaises

    « Quand on est citoyen européen, je pense qu'il y a quelque chose de très important, c'est de se demander ce que l'Europe peut faire pour nous. Mais il faut toujours se poser la question de ce qu'on peut faire pour l'Europe aussi. » (Emmanuel Macron, le 9 mai 2024).



     

     
     


    Cette année 2024, la Fête de l'Europe est un jour férié ! J'ai un peu la flemme de vérifier mais il me semble bien que c'est la première fois que cela arrive (non, en fait, c'est la quatrième fois, voir plus loin). Il n'y a pas de miracle et cette fête n'est en général pas un jour férié (ce qui est regrettable), mais cette année, par les coïncidences du calendrier, le 9 mai (qui est donc la fête de l'Europe) correspondant aussi au Jeudi de l'Ascension, fête religieuse que même les athées les plus irréductibles se satisfont de "célébrer" parce qu'il est un jour férié. Et la date correspond également au 150e anniversaire de la naissance du célèbre égyptologue Howard Carter.

    Avec la fête de l'Armistice le 8 mai, cela nous donne, nous les Français, un week-end (8-9 mai) en plein milieu d'une semaine. Certains veulent la semaine à quatre jours, les hasards du calendrier proposent ainsi la semaine à trois jours, ou plutôt, la semaine aux trois week-ends ! Notons au passage que le 9 mai est chômé également en Russie dont c'est la principale fête nationale dans l'année, parce qu'il célèbre l'Armistice de 1945 (le décalage avec le 8 mai, c'est que la signature a eu lieu la nuit, et c'était déjà le 9 mai 1945 à l'heure de Moscou).

    Le Jeudi de l'Ascension est une fête chrétienne importante puisqu'il célèbre l'élévation au Ciel de Jésus-Christ, qui était ressuscité. Cet événement a lieu quarante jours après Pâques (le jour de sa résurrection), cette année le 31 mars. Il ne s'agit pas du ciel au sens cosmique du terme, mais du Royaume de Dieu, invisible et présent. Dans les Actes des Apôtres, il est dit qu'au cours d'un repas, le Christ ressuscité annonce aux apôtres qu'ils vont recevoir une force nouvelle, « celle du Saint-Esprit » : « Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la Terre. ».


    Et le texte continue ainsi : « Après ces paroles, ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : "Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel". ». Et saint Luc ajoute que les apôtres « retournèrent à Jérusalem, remplis de joie ». L'esprit Saint-Esprit "arrive" sur les apôtres le jour de la Pentecôte, dix jours plus tard, donc un dimanche.

    J'ai finalement vérifié (j'ai des scrupules à ne pas être rigoureux) et l'Ascension le 9 mai a été finalement assez fréquente ces dernières décennies puisque cela a été le cas en 1991, en 2002 et en 2013. Au XXe siècle, il y a eu encore en 1907, en 1918 en en 1929, et il n'y en aura plus d'autre cas jusqu'en 2050 au moins. Mais ce qui compte, c'est à partir du 1985 puisque c'est seulement le 9 mai 1985 qu'on a fêté pour la première fois l'Europe.

    Pourquoi cette date ? Parce qu'elle commémore le grand discours de Robert Schuman qui a jeté les bases, le 9 mai 1950, de l'Europe actuelle, un discours qui allait construire l'Europe du charbon et de l'acier et qui avait pour objectif : dès lors que l'Allemagne et la France produisaient en commun le charbon et l'acier, il serait impossible matériellement de se faire la guerre. Par la suite, on a très vite proposé la Communauté Européenne de Défense (CED), bien avant le Traité de Rome et la Communauté Économique Européenne, mais elle ne s'est pas concrétisée à cause des députés français, si bien qu'aujourd'hui encore, on manque de cette fameuse Europe de la Défense qui commence à se faire, les pays européens prenant conscience de son importance stratégique avec la guerre qu'a déclarée la Russie à l'Ukraine et le probable désengagement militaire américain de l'Europe.

    Plutôt que de parler de Fête de l'Europe (qui, par ailleurs, se trouve à un mois des élections européennes du 9 juin 2024), il vaut mieux parler de Semaine de l'Europe et de la France. En effet, avec l'Europe, la veille, on fêtait bien sûr le 79e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus personne n'a parlé de la der des der en 1945, et pour cause. Et la situation actuelle n'est pas particulièrement ouverte à l'optimisme (mais soyons optimiste quand même !).

     

     
     


    Le 7 mai 2024, les amateurs de musique et de l'Europe ont célébré à Vienne le 200e anniversaire de la création de la Neuvième Symphonie de Beethoven dont l'Union Européen a repris l'Hymne à la joie pour en faire un très émouvant hymne européen, tout à fait dans l'esprit du célèbre compositeur. Le texte de cette symphonie provient du poète allemand Schiller et est joyeux : « Joyeux, comme ses soleils volant à travers le somptueux dessein du ciel, hâtez-vous, frères, sur votre route, joyeux comme un héros vers la victoire ! ». Un hymne toujours vibrant et émouvant.

    L'Europe est présente aussi dans les fiertés françaises de cette semaine. La première fierté est dans la réception du Président chinois Xi Jinping par la France et son Président Emmanuel Macron qui a, une fois encore, bien assuré pour les intérêts français et européens. Une importante visite d'État de deux jours, les 6 et 7 mai 2024, avec une visite aux Invalides le lundi, et dans les Pyrénées le mardi (il neigeait !). Au-delà du dialogue franco-chinois, il y a aussi le dialogue euro-chinois. Ce n'est pas un hasard si le Président chinois a choisi la France pour rencontrer aussi l'Europe, en ce sens que la Président de la Commission Européenne Ursula von der Leyen s'est rendue à Paris le lundi matin pour une réunion de travail à trois, Chine, France et Union Européenne. Il y a de quoi être fier d'être Français, car Emmanuel Macron est devenu l'interlocuteur incontournable du monde moderne, le leader incontesté de l'Europe.

     

     
     


    Certes, au-delà des sourires diplomatiques, la réalité politique et économique est certainement moins rose et Xi Jinping s'est rendu ensuite en Hongrie, afin aussi de diviser l'Europe, et de faire un clin d'œil à Vladimir Poutine qui, lui, le 7 mai 2024, était investi pour un cinquième mandat de Président de la Fédération de Russie pourtant limité à deux dans la Constitution de la Fédération de Russie. Néanmoins, la Chine est dans une géopolitique de plus grands ensembles et souhaite avant tout détourner l'Europe des États-Unis. À ce propos, lors de la visite du numéro un chinois à Paris, où étaient donc les manifestants pour protester contre la répression des Ouïghours, ceux-là même si prompts à s'indigner, parfois violemment, pour les Palestiniens parfois au prix de la perception d'un soutien implicite aux terroristes du Hamas ?
     

     
     


    Je garde pour la fin la matière à d'autres fiertés françaises jusqu'à la fin de l'été : les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) qui se tiendront à Paris cet été. La première étape des festivités a eu lieu ce mercredi 8 mai 2024 dans le port de Marseille : le Belem a accosté avec la flamme olympique ! On pourra dire ce qu'on veut, dénigrer les JOP parce qu'on est râleur professionnel (jamais content) ou parce qu'on déteste Emmanuel Macron (je doute que les sportifs français qui vont participer aux JOP aient tous voté pour Emmanuel Macron !), la fête de mercredi fut une très belle fête.

    Au-delà de la France, il y a Marseille et on sait l'attention soutenue que porte le Président de République à la deuxième ville de France. Ce n'est pas Marseille mais les Marseillais qui sont en fête, et qui apportent le sourire à tout ce qu'ils touchent. Ce n'est pas nouveau et les Marseillais sont joyeux de voir que leur ville est enfin citée dans les actualités autrement que pour un règlement de compte entre deux bandes rivales. Cette bonne humeur devrait être le standard de la France de l'été 2024, la joie devrait l'emporter sur la politique politicienne parce que fêter le sport n'est pas si fréquent. Certes, il y a eu quelques aventures footballistiques au plus haut niveau, qui ont incarné la communion nationale, mais ces moments de liesse restent très rares. Les Marseillais, dans les rues, partout, dans les stations de métro, etc., avaient déjà montré leur bonne humeur lors de la visite du pape François le 23 septembre 2023, parce que Marseille est prise en considération comme une métropole elle aussi incontournable dans le monde moderne.
     

     
     


    La fête du Belem, c'était donc la fête du sport, la fête des Jeux Olympiques et Paralympiques, la fête de la France bien sûr, mais aussi la fête de la beauté. On croirait presque à un tableau de Turner, en voyant le Belem arriver avec ses parures tricolores. Le journaliste Renaud Pila ne cachait pas son enthousiasme, partagé par de nombreux autres de ses confrères : « Quelle idée magnifique de faire arriver la flamme sur le Belem, à Marseille. Les images de la journée vont être dingues. Ça ne vous met pas de bonne humeur ? » (Twitter).

    Notons d'ailleurs que c'est bien le drapeau tricolore qui a accompagné la flamme olympique sans y voir de couleur de l'Europe. Jamais l'Europe n'a eu l'intention de diluer la nation française.
     

     
     


    C'est le sens du message d'Emmanuel Macron, présent à Marseille ce 8 mai 2024 : « Je veux que nos compatriotes se représentent que c'est un moment d'unité et qu'on en est capables, et qu'on peut en être fiers. Et se représenter à nous-mêmes, nous représenter à nous-mêmes, que nous savons organiser cela, que quand on se met tous ensemble autour de la table, qu'on mêle nos énergies, le sport, la culture, les plus grands artistes, les plus grands sportifs, la sécurité, la gastronomie, l'art, nos paysages, nos élus, on fait ce qu'il y a de plus beau au monde. Et ça, on doit être fiers. Vous savez, j'ai cette petite pièce dans les mains, je voulais vous la montrer aujourd'hui à Marseille. C'est une pièce qu'on a fait avec la Monnaie de Paris, spécialement. Il y a 24 millions de ces pièces qui ont été battues, et elle a été offerte à nos enfants. (…) Il y a 4 millions d'enfants à l'école primaire qui l'ont eue avec un petit kit qu'on a fait sur les Jeux Olympiques et Paralympiques. Et vous avez représenté la Tour Eiffel qui court, Notre-Dame qui est là, représentant Marseille, la fleur de Tahiti. C'est ça, la France, qui unit sa première, sa deuxième ville, même si parfois elles sont en compétition ou divisées, sur un terrain de foot ou ailleurs, la France métropolitaine et ultramarine, derrière ces Jeux et les soixante-treize villes qui vont accueillir des épreuves et des athlètes. C'est notre force, cette unité, c'est l'esprit des Jeux. Et c'est aussi pour ça qu'on a voulu cette trêve olympique autour des Jeux Olympiques et Paralympiques. Et ce sera l'initiative diplomatique qu'on va déployer : des Jeux pour la paix. ».

    Jamais la France n'a été aussi divisée qu'aujourd'hui, il y a la France des rigolus et la France des tristus. Il y a une façon de s'unir. Soyons des rigolus ! Soyons fiers de notre Nation, de notre pays !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'hymne à l'Europe.
    Le Jeudi de l'Ascension.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240509-fete-de-l-europe.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/fete-de-l-europe-joies-et-fiertes-254605

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/10/article-sr-20240509-fete-de-l-europe.html

     

  • L'Ascension de la France et de l'Europe

    « Quand on est citoyen européen, je pense qu'il y a quelque chose de très important, c'est de se demander ce que l'Europe peut faire pour nous. Mais il faut toujours se poser la question de ce qu'on peut faire pour l'Europe aussi. » (Emmanuel Macron, le 9 mai 2024).


     

     
     


    Cette année 2024, la Fête de l'Europe est un jour férié ! J'ai un peu la flemme de vérifier mais il me semble bien que c'est la première fois que cela arrive (non, en fait, c'est la quatrième fois, voir plus loin). Il n'y a pas de miracle et cette fête n'est en général pas un jour férié (ce qui est regrettable), mais cette année, par les coïncidences du calendrier, le 9 mai (qui est donc la fête de l'Europe) correspondant aussi au Jeudi de l'Ascension, fête religieuse que même les athées les plus irréductibles se satisfont de "célébrer" parce qu'il est un jour férié. Et la date correspond également au 150e anniversaire de la naissance du célèbre égyptologue Howard Carter.

    Avec la fête de l'Armistice le 8 mai, cela nous donne, nous les Français, un week-end (8-9 mai) en plein milieu d'une semaine. Certains veulent la semaine à quatre jours, les hasards du calendrier proposent ainsi la semaine à trois jours, ou plutôt, la semaine aux trois week-ends ! Notons au passage que le 9 mai est chômé également en Russie dont c'est la principale fête nationale dans l'année, parce qu'il célèbre l'Armistice de 1945 (le décalage avec le 8 mai, c'est que la signature a eu lieu la nuit, et c'était déjà le 9 mai 1945 à l'heure de Moscou).

    Le Jeudi de l'Ascension est une fête chrétienne importante puisqu'il célèbre l'élévation au Ciel de Jésus-Christ, qui était ressuscité. Cet événement a lieu quarante jours après Pâques (le jour de sa résurrection), cette année le 31 mars. Il ne s'agit pas du ciel au sens cosmique du terme, mais du Royaume de Dieu, invisible et présent. Dans les Actes des Apôtres, il est dit qu'au cours d'un repas, le Christ ressuscité annonce aux apôtres qu'ils vont recevoir une force nouvelle, « celle du Saint-Esprit » : « Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la Terre. ».


    Et le texte continue ainsi : « Après ces paroles, ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : "Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel". ». Et saint Luc ajoute que les apôtres « retournèrent à Jérusalem, remplis de joie ». L'esprit Saint-Esprit "arrive" sur les apôtres le jour de la Pentecôte, dix jours plus tard, donc un dimanche.

    J'ai finalement vérifié (j'ai des scrupules à ne pas être rigoureux) et l'Ascension le 9 mai a été finalement assez fréquente ces dernières décennies puisque cela a été le cas en 1991, en 2002 et en 2013. Au XXe siècle, il y a eu encore en 1907, en 1918 en en 1929, et il n'y en aura plus d'autre cas jusqu'en 2050 au moins. Mais ce qui compte, c'est à partir du 1985 puisque c'est seulement le 9 mai 1985 qu'on a fêté pour la première fois l'Europe.

    Pourquoi cette date ? Parce qu'elle commémore le grand discours de Robert Schuman qui a jeté les bases, le 9 mai 1950, de l'Europe actuelle, un discours qui allait construire l'Europe du charbon et de l'acier et qui avait pour objectif : dès lors que l'Allemagne et la France produisaient en commun le charbon et l'acier, il serait impossible matériellement de se faire la guerre. Par la suite, on a très vite proposé la Communauté Européenne de Défense (CED), bien avant le Traité de Rome et la Communauté Économique Européenne, mais elle ne s'est pas concrétisée à cause des députés français, si bien qu'aujourd'hui encore, on manque de cette fameuse Europe de la Défense qui commence à se faire, les pays européens prenant conscience de son importance stratégique avec la guerre qu'a déclarée la Russie à l'Ukraine et le probable désengagement militaire américain de l'Europe.

    Plutôt que de parler de Fête de l'Europe (qui, par ailleurs, se trouve à un mois des élections européennes du 9 juin 2024), il vaut mieux parler de Semaine de l'Europe et de la France. En effet, avec l'Europe, la veille, on fêtait bien sûr le 79e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus personne n'a parlé de la der des der en 1945, et pour cause. Et la situation actuelle n'est pas particulièrement ouverte à l'optimisme (mais soyons optimiste quand même !).

     
     


    Le 7 mai 2024, les amateurs de musique et de l'Europe ont célébré à Vienne le 200e anniversaire de la création de la Neuvième Symphonie de Beethoven dont l'Union Européen a repris l'Hymne à la joie pour en faire un très émouvant hymne européen, tout à fait dans l'esprit du célèbre compositeur. Le texte de cette symphonie provient du poète allemand Schiller et est joyeux : « Joyeux, comme ses soleils volant à travers le somptueux dessein du ciel, hâtez-vous, frères, sur votre route, joyeux comme un héros vers la victoire ! ». Un hymne toujours vibrant et émouvant.

    L'Europe est présente aussi dans les fiertés françaises de cette semaine. La première fierté est dans la réception du Président chinois Xi Jinping par la France et son Président Emmanuel Macron qui a, une fois encore, bien assuré pour les intérêts français et européens. Une importante visite d'État de deux jours, les 6 et 7 mai 2024, avec une visite aux Invalides le lundi, et dans les Pyrénées le mardi (il neigeait !). Au-delà du dialogue franco-chinois, il y a aussi le dialogue euro-chinois. Ce n'est pas un hasard si le Président chinois a choisi la France pour rencontrer aussi l'Europe, en ce sens que la Président de la Commission Européenne Ursula von der Leyen s'est rendue à Paris le lundi matin pour une réunion de travail à trois, Chine, France et Union Européenne. Il y a de quoi être fier d'être Français, car Emmanuel Macron est devenu l'interlocuteur incontournable du monde moderne, le leader incontesté de l'Europe.

     

     
     


    Certes, au-delà des sourires diplomatiques, la réalité politique et économique est certainement moins rose et Xi Jinping s'est rendu ensuite en Hongrie, afin aussi de diviser l'Europe, et de faire un clin d'œil à Vladimir Poutine qui, lui, le 7 mai 2024, était investi pour un cinquième mandat de Président de la Fédération de Russie pourtant limité à deux dans la Constitution de la Fédération de Russie. Néanmoins, la Chine est dans une géopolitique de plus grands ensembles et souhaite avant tout détourner l'Europe des États-Unis. À ce propos, lors de la visite du numéro un chinois à Paris, où étaient donc les manifestants pour protester contre la répression des Ouïghours, ceux-là même si prompts à s'indigner, parfois violemment, pour les Palestiniens parfois au prix de la perception d'un soutien implicite aux terroristes du Hamas ?
     

     
     


    Je garde pour la fin la matière à d'autres fiertés françaises jusqu'à la fin de l'été : les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) qui se tiendront à Paris cet été. La première étape des festivités a eu lieu ce mercredi 8 mai 2024 dans le port de Marseille : le Belem a accosté avec la flamme olympique ! On pourra dire ce qu'on veut, dénigrer les JOP parce qu'on est râleur professionnel (jamais content) ou parce qu'on déteste Emmanuel Macron (je doute que les sportifs français qui vont participer aux JOP aient tous voté pour Emmanuel Macron !), la fête de mercredi fut une très belle fête.

    Au-delà de la France, il y a Marseille et on sait l'attention soutenue que porte le Président de République à la deuxième ville de France. Ce n'est pas Marseille mais les Marseillais qui sont en fête, et qui apportent le sourire à tout ce qu'ils touchent. Ce n'est pas nouveau et les Marseillais sont joyeux de voir que leur ville est enfin citée dans les actualités autrement que pour un règlement de compte entre deux bandes rivales. Cette bonne humeur devrait être le standard de la France de l'été 2024, la joie devrait l'emporter sur la politique politicienne parce que fêter le sport n'est pas si fréquent. Certes, il y a eu quelques aventures footballistiques au plus haut niveau, qui ont incarné la communion nationale, mais ces moments de liesse restent très rares. Les Marseillais, dans les rues, partout, dans les stations de métro, etc., avaient déjà montré leur bonne humeur lors de la visite du pape François le 23 septembre 2023, parce que Marseille est prise en considération comme une métropole elle aussi incontournable dans le monde moderne.
     

     
     


    La fête du Belem, c'était donc la fête du sport, la fête des Jeux Olympiques et Paralympiques, la fête de la France bien sûr, mais aussi la fête de la beauté. On croirait presque à un tableau de Turner, en voyant le Belem arriver avec ses parures tricolores. Le journaliste Renaud Pila ne cachait pas son enthousiasme, partagé par de nombreux autres de ses confrères : « Quelle idée magnifique de faire arriver la flamme sur le Belem, à Marseille. Les images de la journée vont être dingues. Ça ne vous met pas de bonne humeur ? » (Twitter).

    Notons d'ailleurs que c'est bien le drapeau tricolore qui a accompagné la flamme olympique sans y voir de couleur de l'Europe. Jamais l'Europe n'a eu l'intention de diluer la nation française.
     

     
     


    C'est le sens du message d'Emmanuel Macron, présent à Marseille ce 8 mai 2024 : « Je veux que nos compatriotes se représentent que c'est un moment d'unité et qu'on en est capables, et qu'on peut en être fiers. Et se représenter à nous-mêmes, nous représenter à nous-mêmes, que nous savons organiser cela, que quand on se met tous ensemble autour de la table, qu'on mêle nos énergies, le sport, la culture, les plus grands artistes, les plus grands sportifs, la sécurité, la gastronomie, l'art, nos paysages, nos élus, on fait ce qu'il y a de plus beau au monde. Et ça, on doit être fiers. Vous savez, j'ai cette petite pièce dans les mains, je voulais vous la montrer aujourd'hui à Marseille. C'est une pièce qu'on a fait avec la Monnaie de Paris, spécialement. Il y a 24 millions de ces pièces qui ont été battues, et elle a été offerte à nos enfants. (…) Il y a 4 millions d'enfants à l'école primaire qui l'ont eue avec un petit kit qu'on a fait sur les Jeux Olympiques et Paralympiques. Et vous avez représenté la Tour Eiffel qui court, Notre-Dame qui est là, représentant Marseille, la fleur de Tahiti. C'est ça, la France, qui unit sa première, sa deuxième ville, même si parfois elles sont en compétition ou divisées, sur un terrain de foot ou ailleurs, la France métropolitaine et ultramarine, derrière ces Jeux et les soixante-treize villes qui vont accueillir des épreuves et des athlètes. C'est notre force, cette unité, c'est l'esprit des Jeux. Et c'est aussi pour ça qu'on a voulu cette trêve olympique autour des Jeux Olympiques et Paralympiques. Et ce sera l'initiative diplomatique qu'on va déployer : des Jeux pour la paix. ».

    Jamais la France n'a été aussi divisée qu'aujourd'hui, il y a la France des rigolus et la France des tristus. Il y a une façon de s'unir. Soyons des rigolus ! Soyons fiers de notre Nation, de notre pays !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'hymne à l'Europe.
    Le Jeudi de l'Ascension.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240509-ascension.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/10/article-sr-20240509-ascension.html




     

  • Il y a 30 ans, le Tunnel sous la Manche

    Prouesse technique mais aussi politique, l'ouvrage relie la Grande-Bretagne à l'Europe plus solidement que les liens juridiques qui pouvaient les unir au sein de l'Union Européenne entre 1973 et 2020. La liaison Paris-Londres ne dure plus que 2 heures 15, le temps mis parfois pour traverser la seule capitale française aujourd'hui.

     

     
     


    Serpent de mer depuis plus de deux siècles, le Tunnel sous la Manche a été inauguré en grandes pompes à Calais il y a trente ans, le 6 mai 1994. François Mitterrand, Président de la République française, et la reine du Royaume-Uni Élisabeth II étaient au rendez-vous de cette célébration d'un ouvrage exceptionnel qui unit non seulement la Grande-Bretagne et la France, malgré les vicissitudes historiques, mais aussi la Grande-Bretagne et tout le continent européen (ou le continent britannique et toute l'île européenne). Il est ouvert au service commercial depuis le 1er juin 1994 avec l'exploitation de la ligne TGV Eurostar (LeShuttle).

    Le Chunnel (Channel Tunnel) s'étend d'une longueur de 50,5 kilomètres (31,4 miles), dont 37,9 sous la mer (23,5 miles), ce qui en fait le plus long tunnel sous-marin du monde (mais pas le plus long tunnel du monde : le Tunnel du Seikan entre Honshu et Hokkaido fait 53,9 kilomètres de long). Il est composé de trois tubes, deux tubes ferroviaires de diamètre 7,6 mètres et un tube de service de diamètre 4,8 mètres, reliés régulièrement. Chaque tube contient une voie ferrée (un dans chaque sens). Si les extrémités du tunnel correspondent à des autoroutes (l'A16 à Coquelles en France, qui va vers Amiens, et la M20 à Folkestone en Angleterre, qui va vers Londres), il n'est pas possible de rouler soi-même dans le tunnel qui reste un transport exclusivement ferroviaire, desservi, pour les automobilistes, par le service navette d'Eurotunnel (la traversée dure environ 35 minutes).

    Le génial Georges Méliès a réalisé un court-métrage, "Le Tunnel sous la Manche ou le Cauchemar franco-anglais" (sorti le 30 juin 1907), où le roi Édouard VII et le Président français Armand Fallières rêvaient d'un tunnel mais le rêve est devenu cauchemar avec la collisions de deux trains et la destruction du tunnel... mais ce n'était qu'un film fantastique ! L'ouvrage réel n'a pas connu cet angoissant cauchemar et est à la fois un exploit technologique et un exploit politique.

    L'exploit politique n'est pas mince. Les Anglais n'étaient pas mécontents d'avoir la Manche comme rempart face aux éventuelles invasions continentales. Les guerres napoléoniennes n'ont pas contribué à vouloir unifier ces deux parties d'Europe. Le premier accord politique a eu lieu autour d'un projet technique commun approuvé par la reine Victoria et l'empereur Napoléon III en 1867, mais la guerre et la chute de l'empire français n'ont pas permis d'y donner suite. C'est dans l'impulsion du Traite de Rome, que l'idée politique a fait son cheminement.

    Un groupe d'études a même été lancé le 26 juillet 1957 et les deux gouvernements britanniques et français ont lancé un appel d'offres dix ans plus tard. Peu avant, on retrouvait dans la célèbre bande dessinée Astérix ("Astérix chez les Bretons", histoire publiée dans "Pilote" du 9 septembre 1965 au 17 mars 1966) un allusion d'Obélix à ce tunnel, et le héros grand-breton Jolitorax se contentant de dire : « On en parle chez nous, de ce tunnel; on a même commencé à le creuser mais ça risque d'être assez long. Plutôt. ». Un maître d'œuvre a été désigné le 22 mars 1971, et un traité a même été prévu entre les deux pays (le Traité de Chequers signé le 17 novembre 1973 par Michel Jobert et Alec Douglas Home) pour assurer l'aspect juridique des travaux, mais le gouvernement britannique (travailliste) a dû abandonner l'idée le 20 janvier 1975 (alors que le Royaume-Uni venait d'adhérer à la Communauté Économique Européenne) en raison de la grave crise économique qui a secoué la Grande-Bretagne.

     

     
     


    C'est l'arrivée de François Mitterrand à l'Élysée qui a relancé la machine (le nouveau Président ne se préoccupant pas nécessairement de la bonne gestion des finances publiques !). C'est surtout son Ministre d'État, Ministre des Transports, le communiste Charles Fiterman qui lui a soufflé l'idée de relancer le projet pour consolider l'amitié franco-britannique à la veille du premier sommet franco-britannique du septennat les 10 et 11 septembre 1981. Pour François Mitterrand, c'était aussi l'occasion de réaffirmer sa foi en l'Europe, avec une construction concrète. Le choix d'un tunnel uniquement ferroviaire a été fait. Margaret Thatcher, qui se méfiait des syndicalistes de la British Rail, aurait toutefois préféré un tunnel autoroutier.

    Quatre projets techniques ont été proposés dont certains qui étaient un "assortiment" de pont et de tunnel, et le choix d'Eurotunnel a été fait le 20 janvier 1986 (par François Mitterrand et Margaret Thatcher), reprenant le projet initial des années 1960-1970 à base de deux tubes plus un, pour un coût estimé (!) de 30 milliards de francs, soit 4,3 milliards d'euros (c'était aussi le moins cher à l'origine). Le Traité de Canterbury, signé le 12 février 1986, finalisait l'ensemble du projet et de la coopération franco-britannique (en définissant en particulier la frontière entre les deux pays), puis l'Accord de concession du Tunnel sous la Manche signé le 14 mars 1986 à Paris, pour une durée initiale de cinquante-cinq ans, prolongée de dix ans le 5 février 1994, puis de trente-cinq ans le 12 juillet 1999, soit une durée totale de quatre-vingt-dix-neuf ans.


    Au-delà des choix techniques, il y a eu beaucoup de différends stratégiques à régler entre les deux pays avant d'aboutir à un accord. En particulier, Margaret Thatcher refusait toute intervention pécuniaire des États dans l'affaire et en particulier, refusait de donner une garantie financière des deux États au consortium chargé de réaliser le tunnel (Eurotunnel).

    L'exploit technologique de relier sous la mer les deux rives est évident. L'idée d'origine viendrait du géographe Nicolas Desmarest en 1750, puis plusieurs autres projets ont vu le jour, surtout intellectuellement. Celui d'Eurotunnel visait à creuser trois tubes, deux tubes d'exploitation, un pour chaque sens, un voie ferrée dans chaque tube, et un tube de service pour la sécurité et la maintenance.

    Les travaux ont duré six ans, entre le 15 décembre 1987 et le 10 décembre 1993. Il y a eu beaucoup de problèmes techniques à résoudre au cours de l'évolution du chantier (étanchéité d'eau, de pression, alimentation en air, en énergie, nature des couches géologiques, sécurité incendie, etc.). Il a fallu creuser jusqu'à 75 mètres sous le niveau de la mer, dans une couche de craie formée il y a 100 millions d'années.
     

     
     


    Onze tunneliers, chacun de plus d'un millier de tonnes en moyenne (à eux onze, ils pesaient plus que la Tour Eiffel), ont été mobilisés pour creuser au rythme de 76 mètres par jour (ce genre de machines est utilisé en ce moment dans les travaux du Grand Paris, en particulier pour la ligne 18 qui reliera Orly à Saclay en 2026, puis Versailles en 2030). 30 000 personnes, des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers, ont participé à la construction de l'ouvrage. Margaret Thatcher a encouragé la reconversion des mineurs dans ce projet pharaonique après la fermeture des mines de charbon. Pour l'anecdote, Eurotunnel a vendu l'un de ses tunneliers (de 580 tonnes) en avril 2004 à la société eBay pour la modique somme de 40 000 livres sterling.

    La première jonction franco-britannique dans le tunnel de service (chacun creusant depuis son pays) a eu lieu le 1er décembre 1990 à 12 heures 12 par le Français Philippe Cozette et l'Anglais Graham Fagg ; les deux ouvriers du chantier se sont serré la main pour symboliser le lien nouveau qui unit désormais les deux pays. La jonction des deux tunnels d'exploitation a eu lieu en mai et en juin 1991.


    Plusieurs types de lignes sont exploitées dans le tunnel : des TGV uniquement de voyageurs, d'autres pour des automobilistes et leur véhicule, d'autres pour acheminer les camions ou les marchandises plus généralement. La vitesse maximale autorisée dans le tunnel est de 160 kilomètres par heure, ce qui fait une durée moyenne de 35 minutes. Plus de 300 trains empruntent le tunnel chaque jour, soit un train toutes les trois minutes. 21 millions de personnes traversent le tunnel chaque année.

    Le 27 juin 2006, Eurotunnel a célébré la traversée du 100 millionième voyageur. En juillet 2010, c'était celle du 250 millionième voyageur. En 2013, le tunnel a fait traverser 2,5 millions de véhicules de tourisme et 1,4 million de camions. 325 millions de voyageurs ont utilisé le tunnel dans les vingt premières années d'exploitation (soit près de cinq fois la population française). Pas seulement les humains : le 18 mai 2017, LeShuttle (le train d'Eurostar) a transporté son deux millionième animal de compagnie depuis que c'est possible en 2000 avec le Pet Travel Scheme.

    L'aspect financier a souvent été pointé du doigt car le Tunnel sous la Manche a été un gouffre financier, et si le choix de faire un tunnel exclusivement ferroviaire était une préférence française, celui de renoncer à toute subvention publique était une préférence britannique. Ce qui fait que les contribuables n'ont (finalement) pas été lésés ; en revanche, les actionnaires, si.

    En tout, la construction du tunnel a coûté 12,5 milliards d'euros (au lieu des 4 prévus, soit trois fois plus cher). En novembre 1987, l'action d'Eurotunnel était proposée au prix de 35 francs (5,34 euros). La rentabilité a été beaucoup plus longue que prévue car en 1995, le trafic était prévu à 30 millions de passagers chaque année et il n'était en fait que de 7 millions. Le prix de l'action a donc sans cesse chuté, aussi en raison des surcoûts des travaux, si bien qu'il était à moins de 1 euro en 1996. De nombreux "petits" actionnaires ont perdu leur investissement, parfois toutes leurs économies. Mais les patients ont quand même gagné, puisque Eurotunnel a réalisé son premier bénéfice en 2008 avec 40 millions d'euros de résultat net, ce qui a permis le versement aux actionnaires, pour la première fois, d'un dividende de 0,40 euro par action. Eurotunnel a franchi le milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2013 avec un bénéfice de 101 millions d'euros.

    Le Tunnel sous la Manche a complètement changé les habitudes des Européens, et surtout des Britanniques (très majoritairement les usagers), en rapprochant le continent de l'île. Et paradoxalement, son exploitation n'a pas réduit les activités maritimes dans la Manche. C'est un exemple du triomphe de l'humain sur la Nature... mais aussi de l'humain sur lui-même, car il a fallu d'abord se faire confiance mutuellement et considérer que jamais plus il n'y aura de guerre entre la France et la Grande-Bretagne.


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    Sylvain Rakotoarison (05 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le Tunnel sous la Manche.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240506-tunnel-sous-la-manche.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/il-y-a-30-ans-le-tunnel-sous-la-254305

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  • Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide

    « Finalement, au terme de deux heures de débat, le vrai visage de Jordan Bardella apparaît. Il est moins lisse, moins souriant qu'au début, et il y a quelque chose de très dur dans le regard qui fait peur. On notera que par trois fois, Benjamin Duhamel interdit à Valérie Hayer de prendre la parole. » (Thierry de Cabarrus, journaliste).



     

     
     


    Décidément, la campagne des élections européennes peine à démarrer sérieusement. À un mois du scrutin, la chaîne BFMTV a organisé ce jeudi 2 mai 2024 un débat contradictoire entre les deux principales têtes de liste, Jordan Bardella pour le RN et Valérie Hayer pour la majorité présidentielle.

    Pendant 2 heures 20, cette prestation va certainement peu influencer les éventuels électeurs hésitants (les convaincus ne sont pas à convaincre), tant elle était médiocre : l'animateur, Benjamin Duhamel, particulièrement mauvais pour ce genre d'émission (il aura encore beaucoup de travail à fournir pour atteindre les performances de son oncle Alain Duhamel), la tête de liste de l'extrême droite, dite "Coquille vide" par ses détracteurs, ceux qui ne le comprenaient l'ont compris en regardant ce débat tant ses propos étaient hors sol, sans proposition, une vacuité complète faite d'amnésie, de contradictions et surtout, de démagogie et de mensonges, et la tête de liste Renaissance, qui n'a pas démérité sur le fond, qui a montré qu'elle travaillait et qu'elle connaissait les dossiers, mais qui manquait de combativité contre son contradicteur (surtout au début).

    Le RN a adopté une stratégie du robot beau-gendre qui n'a rien dans la cervelle et qui absorbe toutes les pensées politiques du moment. Évidemment, cela provoque parfois de grandes contradictions, puisqu'on ne sait plus si le RN veut rester dans l'Europe ou en sortir, veut sortir de la zone euro ou y rester, ou même veut du Frontex ou pas. Les rares propositions formulées par ce parti attrape-tout (c'est le principe du populisme) concernent des dispositifs déjà adoptés en mieux depuis plusieurs années !

     

     
     


    Au cours de cette confrontation télévisuelle, Jordan Bardella a montré une véritable arrogance, issue évidemment des sondages d'intentions de vote qui lui sont très favorables aujourd'hui, coupant sans arrêt la parole à son interlocutrice, de manière inélégante et peu galante, de façon systématique, discourtoise, impolie, et franchement comme un voyou de banlieue, qui se la pète en roulant les mécaniques mais incapable d'aligner trois phrases intéressantes ou même cohérentes. On a vu à quel point la stratégie de l'incompétence marche mal dans une France qui reste encore (heureusement) intellectuelle. Son petit rictus en guise de pirouette de diversion trompe assez peu le téléspectateur sinon l'électeur. Le comble de l'impolitesse a été de boire devant son adversaire, en ne l'écoutant pas. L'extrême droite n'a jamais respecté "les autres". On a pu le voir dans ce débat, car le naturel revient toujours au galop.
     

     
     


    De son côté, Valérie Hayer a péché par l'inverse. Elle, courageuse (Jordan Bardella l'a même reconnu), n'a pas lésiné sur ses propositions, sur son bilan, sur ses actions pour améliorer la situation de la France et de l'Europe. D'un coup le trop vide (Coquille vide), de l'autre, presque le trop plein. Toutefois, Valérie Hayer a manqué de pugnacité, refusant de couper la parole même quand son adversaire disait n'importe quoi voire mentait (comme sa liste qui serait financée par des groupes américains, ce qui est complètement faux, alors que le RN a effectivement reçu des fonds russes), elle était beaucoup trop sage face au n'importe-quoiïsme de son contradicteur.

    Il faut rappeler que les deux ont été élus députés européens il y a cinq ans. Jordan Bardella n'a rien fait de son mandat européen sinon encaisser ses indemnités, car c'est là le paradoxe, le RN comme ses partenaires anti-européens, ont profité de beaucoup d'argent européen (et même d'un peu trop si on en croit la justice et le procès qui aura lieu en septembre 2024). Dans le classement des députés européens, le président du RN fait partie des cancres qui n'ont jamais rien fait de leur mandat. Valérie Hayer, elle, a travaillé concrètement, c'est même l'une des rares députés européens qui connaissent bien le budget de l'Union Européenne et la politique agricole commune pour les avoir négociés avec d'autres groupes politiques. Elle préside le troisième groupe du Parlement Européen et a un poids européen incontestable, permettant d'influencer la politique européenne depuis cinq ans. Il suffit de comparer les antisèches multiples du cancre Bardella sur son pupitre et leur absence pour Valérie Hayer qui n'en a pas besoin car elle connaît excellemment ses sujets. Ça ne sert rien d'être bon en communication si c'est pour ne penser à rien.
     

     
     


    D'ailleurs, les internautes ont posé "la" bonne question à Jordan Bardella : « Le RN a gagné les deux dernières élections européennes de 2014 et 2019. Qu'a apporté au niveau européen le RN avec ces victoires ? ». Question piège et très pertinente ! J'aurais ajouté aussi au niveau français. Bref, à quoi ça sert de voter RN aux européennes (on pourrait remonter jusqu'à 1984 d'ailleurs) à part de financer le RN ? Eh bien à rien ! D'ailleurs, l'absence de réponse de Jordan Bardella le confirme. Si on veut que l'Europe bouge, ce n'est certainement pas en votant pour le RN qu'elle bougera. La preuve dans ce débat : voter RN, c'est paradoxalement choisir le statu quo.
     

     
     


    En revanche, le bilan de l'action de Renaissance, grâce en particulier au leadership du Président français Emmanuel Macron, de plus en plus écouté à l'étranger, est très flatteur. Ainsi, les accords de libre-échange sont approuvés ou rejetés par le groupe Renew (Renaissance) selon qu'ils sont bons ou mauvais tant pour la France que pour l'Europe. Pas de dogmatisme, donc, mais le soucis pointilleux de l'intérêt général. Le CETA est un bon traité qui a permis aux agriculteurs de profiter du commerce international tout en gardant les standards européens tant sociaux qu'écologiques. Alors que le projet d'accord avec le Mercosur a été stoppé car il ne permettait pas à l'Europe de garder ses standards.

    Valérie Hayer s'est inquiétée à juste titre des alliés européens du RN. Elle a montré une photographie d'une réunion de l'internationale de l'extrême droite européenne (à Florence à la fin de l'année 2023) qui est particulièrement affligeante, en ce sens que ses alliés ont fait des déclarations publiques racistes, suprémacistes, antisémites, homophobes, contre le droit à l'IVG, contre l'égalité de la femme et de l'homme, etc. Comme si les leçons de l'histoire récente ont été jetées à la poubelle. À l'heure où l'extrême droite italienne n'a plus de scrupule à faire le salut fasciste ouvertement en public lors d'un défilé à Milan, la réponse de Jordan Bardella n'était pas à la hauteur. Dans le discours, il laisse croire qu'il s'est dédiabolisé, dans la réalité politique des alliances européennes, le RN est bien le parti fondé par pépé Jean-Marie Le Pen avec ses inconvenances morales récurrentes. Sa réponse ? Juste laisser croire qu'il se laisse photographier avec n'importe qui, ce qui est une excuse très immature pour un prétendu leader politique national, qui ne trompe personne sinon ses électeurs déjà convaincus.

     

     
     


    Jordan Bardella a proposé une double frontière, garder la libre circulation des personnes dans l'Espace de Schengen uniquement pour les citoyens européens et le contrôle aux frontières pour les extra-européens. Valérie Hayer a bien tenté de dire que cette proposition était stupide, mais elle ne l'a pas affirmé assez fort. Car évidemment, ce n'est pas marqué sur la figure qu'on est Européen ou pas Européen. Donc, concrètement, c'est le rétablissement complet des contrôles à toutes les frontières, y compris terrestres, ce qui, outre l'aspect économique (très coûteux en fonctionnaires supplémentaires mais aussi pour l'activité économique, vu le nombre de camions qui traversent les frontières et les files d'attente qu'il y aura pour les contrôles d'identité), c'est le principe même de mesure stupide qui, en plus, ne changera rien pour l'immigration illégale.

    En laissant croire que la métropole française deviendrait à terme comme la situation à Mayotte, alors que c'est un cas géographique très spécifique, le président du RN montre qu'il continue toujours de véhiculer cette thèse extrémiste du grand remplacement qui n'existe que dans les fantasmes de l'extrême droite. Il y a une proportion d'étrangers sur le territoire national à peine supérieur à il y a un siècle, et si certaines personnes proviennent d'une culture différente avec une plus forte natalité, la réalité est que lorsqu'elles adoptent le mode de vie français, cette natalité s'effondre.
     

     
     


    Avec le Pacte immigration, qu'elle a négocié et voté (et que le RN a rejeté), Valérie Hayer a certainement fait plus pour limiter l'immigration en France que le RN. En effet, ce pacte impose aux États membres une quote-part proportionnelle à leur population de l'accueil des demandeurs d'asile venus en Europe. Ainsi, en refusant d'obliger les autres pays à prendre leur part migratoire, les députés européens du RN renforcent le risque que la France accueille plus de demandeurs d'asile. Le RN ne veut aucun demandeur d'asile, c'est se moquer du sort des femmes afghanes ou iraniennes persécutées par les islamistes au pouvoir. Il est d'ailleurs significatif que ceux ont des discours ouvertement anti-islam sont les plus tolérants avec les régimes islamistes lorsqu'ils essaient de faire des analyses vaguement géopolitiques.

    Comme avec tous les sujets (notamment économiques), le RN est très hors sol par rapport aux réalités concrètes : Jordan Bardella veut imposer l'étude des dossiers des demandeurs d'asile dans leurs propres pays et pas en France ou en Europe. Là encore, c'est particulièrement stupide de proposer cela. D'une part, parce que les demandeurs d'asile, généralement, fuient leur pays à cause de la répression et ne peuvent attendre la réponse du consulat. D'autre part, cela n'empêchera nullement des désespérés de franchir la Méditerranée à leur grand péril et à atteindre les côtes européennes sans qu'on leur en donne l'autorisation. Et dans ce cas, qu'est-ce qu'on fait ? Le Pacte immigration permet justement d'y apporter une réponse plus juste et plus ferme que le statu quo. Du reste, Valérie Hayer a bien fait de rappeler que le RN était désormais responsable de la politique migratoire de la France puisque le groupe RN a voté pour la loi Immigration le 19 décembre 2023 (parfois, il faut savoir assumer ses coups politiques !).

     

     
     


    Je n'ai bien sûr pas évoqué ici tous les sujets, en particulier les 750 milliards d'euros de l'Europe dont on a bénéficié pour la relance après la crise du covid-19. Le bilan de ce débat est que Jordan Bardella a intérêt à fuir les débats, comme il l'avait fait depuis deux mois. La journaliste Anna Cabana a donné son verdict : « C'est la naissance d'un personnage que personne ne connaissait. Valérie Hayer a quelque chose dans le ventre. ». Beaucoup de journalistes sont d'accord avec cette appréciation car beaucoup pensaient que la tête de liste Renaissance allait se faire hachée menue par le président du RN. Il n'en a rien été. Elle a bien résisté !

    Même si c'était dur pour elle au début du débat et même s'il lui manquait un peu de pugnacité, Valérie Hayer n'a pas manqué de sagesse ni de courage quand elle a conclu avec audace en se disant d'accord avec son adversaire : « Jordan Bardella, vous aviez déclaré être à la politique ce que Didier Raoult était à la médecine. Je dois dire que pour une fois, je suis entièrement d'accord avec vous ! ». Il est temps de rétablir la vérité face aux mensonges des populistes.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 mai 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240502-debat-hayer-bardella.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/debat-valerie-hayer-vs-jordan-254484

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/03/article-sr-20240502-debat-hayer-bardella.html


     

  • Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne

    « Pour tous nos pays, appartenir aujourd’hui à l’Europe, c’est refuser de se laisser appartenir à la Chine, à la Russie ou même de s’aligner docilement sur les États-Unis. C’est refuser que notre continent de nouveau se divise et laisse son destin lui échapper. » (Jacques Delors, le 6 décembre 2021).



     

     
     


    Il y a vingt ans, le 1er mai 2004, l'Union Européenne, qui comptait quinze États membres, s'est élargie de dix États membres supplémentaires : la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, Chypre et Malte. Le 1er janvier 2007, ce cinquième élargissement a été complété par l'adhésion également de la Roumanie et de la Bulgarie.

    Ce n'était pas le premier élargissement, ni le dernier, puisqu'il y a eu un 28e État membre qui a rejoint l'Union Européenne, la Croatie le 1er juillet 2013, mais celui de 2004 était l'élargissement le plus politique, et même, qui a revêtu la plus grande importance géopolitique. Sans même compter Chypre dans une partie est occupée par les Turcs depuis 1974.

    Avant d'évoquer cet élargissement très important, rappelons très rapidement les différentes dates des précédents élargissements. Les dates entre parenthèses correspondent à la ratification dans chaque pays du traité en question (pour que l'adhésion soit effective, il faut que tous les États membres et candidats à l'adhésion signent le traité correspondant, puisque ce traité soit ratifié par eux-mêmes, en particulier les futurs membres, selon les procédures constitutionnelles propres à chaque nation, par leur parlement ou par référendum).


    1er janvier 1958 (Europe des Six) : Création de la Communauté Économique Européenne (CEE) avec la France (23 juillet 1957), l'Allemagne (19 juillet 1957), l'Italie (9 octobre 1957), la Belgique (28 novembre 1957), les Pays-Bas (4 décembre 1957) et le Luxembourg (26 mars 1957), par le Traité de Rome signé le 25 mars 1957).

    1er janvier 1973 (Europe des Neuf) : Adhésion du Royaume-Uni (16 octobre 1972), de l'Irlande (10 mai 1972) et du Danemark (2 octobre 1972), par le Traité de Bruxelles signé le 22 janvier 1972.


    1er janvier 1981 (Europe des Dix) : Adhésion de la Grèce (28 juin 1979), par le Traité d'Athènes signé le 28 mai 1979.

    1er février 1985 : Retrait du Groenland après le référendum du 23 février 1982 (pourtant territoire du Danemark).

    1er janvier 1986 (Europe des Douze) : Adhésion de l'Espagne (26 juin 1985) et du Portugal (11 juillet 1985), par le Traité de Madrid-Lisbonne du 12 juin 1985.

    3 octobre 1990 : Réunification de l'Allemagne et rattachement de l'Allemagne de l'Est aux Douze.

    1er novembre 1993 : Transformation de la CEE en Union Européenne, par le Traité de Maastricht signé le 7 février 1992.

    1er janvier 1995 (Europe des Quinze) : Adhésion de l'Autriche (12 juin 1994), de la Suède (13 novembre 1994) et de la Finlande (16 octobre 1994), par le Traité de Corfou signé le 26 juillet 1994. La Norvège a renoncé à adhérer.


    1er mai 2004 : Adhésion de la Pologne (23 juillet 2003), de la Hongrie (21 décembre 2003), de la République tchèque (30 septembre 2003), de la Slovaquie (1er juillet 2003), de la Slovénie (28 janvier 2004), de la Lituanie (16 septembre 2003), de la Lettonie (2 octobre 2003), de l'Estonie (21 janvier 2004), de Malte (14 juillet 2003) et de Chypre (14 juillet 2003), par le Traité d'Athènes signé le 16 avril 2003.

    1er janvier 2007 : Adhésion de la Roumanie (17 mai 2005) et de la Bulgarie (11 mai 2005), par le Traité de Luxembourg signé le 25 avril 2005.

    1er juillet 2013 (Europe des Vingt-huit) : Adhésion de la Croatie (4 avril 2012), par le Traité de Bruxelles signé le 9 décembre 2011.

    1er février 2020 : Retrait du Royaume-Uni après le référendum du 23 juin 2016 sur le Brexit.

    Comme on le voit, l'élargissement du 1er mais 2004 a été le plus massif et a considérablement modifié la physionomie et le point de gravité de l'Europe. Avant 2004, le dernier élargissement a eu lieu le 1er janvier 1995 et il était en quelque sorte la dernière occasion d'unifier l'Europe occidentale. Après le noyau dur des six pays fondateurs (France, Allemagne, Italie et Benelux), le rattrapage du Royaume-Uni après une dizaine d'années de veto français (à cause de De Gaulle) avec le Danemark et l'Irlande en 1973, l'exception grecque voulue par Valéry Giscard d'Estaing dès 1981, les deux États de la péninsule ibérique en 1986 malgré les protestations des viticulteurs français (et italiens), en enfin les États scandinaves (sauf la Norvège qui préfère l'indépendance totale) et l'Autriche, l'Europe est devenue un bloc continental exclusivement occidental (avec deux États neutres, la Finlande et l'Autriche).

    C'est donc pendant les années 1990 que l'évolution européenne s'est poursuivie, en réponse à la chute de l'URSS et à la libération des États de l'Europe centrale et orientale anciennement sous le joug soviétique. La question était alors la suivante : fallait-il d'abord approfondir la construction européenne (rajouter des solidarités européennes à Quinze, plus facilement qu'à Vingt-cinq, et adapter le fonctionnement institutionnel) ou d'abord élargir aux pays de l'Europe centrale et orientale ? La question était cruciale après une forte avancée de la construction européenne sous la Présidence de la Commission Européenne de Jacques Delors (1985-1995), avec l'Acte unique européen (notamment harmonisation des diplômes), les Accords de Schengen et ERASMUS (ces deux derniers hors du cadre spécifique de l'Union Européenne), l'Union économie et monétaire qui a donné la monnaie unique avec l'euro instauré en 1999, etc.

    Au milieu des années 1990, le sentiment anti-européen a commencé à se développer au sein des peuples européens, notamment à cause de la bureaucratie bruxelloise et les normes de plus en plus invasives dans la vie quotidienne afin de construire un standard normatif européen très exigeant (qui le reste encore dans le monde). Les tentatives d'approfondissement n'ont jamais vraiment abouti tandis que l'opportunité politique d'un élargissement se faisait sentir.


    Le problème était le suivant : une organisation (quelle qu'elle soit) ne se structure pas de la même manière lorsqu'elle réunit vingt-cinq membres que lorsqu'elle réunit six membres. En 1958, la règle de l'unanimité, qui rassure sur la souveraineté nationale de chaque État membre, pouvait se pratiquer, car il n'y avait que six partenaires. À vingt-cinq, la règle de l'unanimité est quasi-impossible. Or, ne plus pouvoir prendre de décision, c'est se paralyser. L'approfondissement avait donc ces deux rôles : modification des institutions européennes pour un fonctionnement à plus de vingt, avec, dans certains domaines, des décisions prises à la majorité qualifiée (nombre d'États et population que cela regroupe) au lieu de l'unanimité. C'était l'objet du Traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997 après la Conférence intergouvernementale de Turin, puis du Traité de Nice signé le 26 février 2001.

    L'autre rôle de l'approfondissement, c'est d'agrandir les domaines de coopération européenne, en particulier la politique étrangère et la défense (on voit aujourd'hui à quel point ces domaines sont essentiels et même vitaux). Cet agrandissement des compétences européennes n'a eu lieu qu'avec le Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 à la suite de l'échec du référendum du 29 mai 2005 en France qui a rejeté le Traité établissant une Constitution pour l'Europe (TCE) signé le 29 octobre 2004 après l'élargissement du 1er mai 2004 et les travaux de la Convention pour l'Avenir de l'Europe présidée par Valéry Giscard d'Estaing.

    Dans ces années 1990, le débat était sur la capacité de rajouter des compétences européennes, mais pas pour tout le monde, un peu à la carte, comme c'était le cas pour la zone euro mais aussi les Accords de Schengen, etc. (les pays membres ne sont pas tous dans la zone euro mais peuvent tous y prétendre). C'était admettre que certains pays étaient plus européens que d'autres. Une notion, soutenue notamment par Édouard Balladur, alors Premier Ministre français, était d'imaginer une Europe à plusieurs cercles concentriques, avec des États plus intégrés que d'autres dans la construction européenne, mais avec le risque d'une Europe à deux voire trois vitesses.

     

     
     


    Pourtant, politiquement, il y avait une urgence à intégrer les États de l'Europe centrale et orientale, afin de réunifier le continent européen. Après la chute du mur de Berlin, le Rideau de fer aurait pu paradoxalement se maintenir par le fait des démocraties d'Europe occidentale si elles refusaient d'intégrer les anciens pays du bloc soviétique. Cette adhésion a été massive puisque, en moins de trois ans, douze pays ont adhéré à l'Union Européenne. Il aura fallu quinze à dix-huit ans pour permettre aux anciens régimes communistes de s'intégrer, ce qui, historiquement, est très long (pratiquement une génération). La Grèce a mis sept ans pour adhérer après la chute de la dictature des colonels. Le Portugal a mis douze ans, et l'Espagne, dix ans après la chute de leur dictature respective (issue de Salazar et de Franco).

    Le risque d'un trop grand nombre d'États membres est bien sûr une sorte de paralysie institutionnelle et l'impression d'avoir fabriqué un monstre institutionnel, avec jusqu'à vingt-huit membres, quasiment autant de langues, etc. Les affaires européennes sont devenues alors des affaires ultracompliquées pour plein de raisons, structurelles bien sûr, mais aussi politiques, car chaque État a son propre calendrier électoral, ses propres populismes, son propre électorat et donc, les décisions prises au niveau européen sont dépendantes souvent de considérations de politique intérieure de chaque État.

    À mon sens, l'une des conséquences a été le Brexit : la tenue du référendum était le fruit absolu de considérations électoralistes (de David Cameron), et d'un courant eurosceptique résultant d'un risque d'enlisement technocratique. À partir des années 2000, d'ailleurs, et jusqu'à maintenant, l'Europe a surtout cherché à répondre aux urgences du moment, des crises des dettes souveraines à la crise du covid-19, de la crise inflationniste et énergétique à la guerre en Ukraine.

    Les perspectives actuelles de l'Union Européenne sont contrastées. D'une part, jamais le courant populiste anti-européen n'a été aussi fort dans la plupart des États membres, avec des victoires électorales en Hongrie, en République tchèque, en Slovaquie, en Italie, aux Pays-Bas (mais aussi des échecs comme en Pologne). D'autre part, la position belliqueuse de Vladimir Poutine et le risque d'un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche obligent les Européens à renforcer leur coopération dans le domaine militaire pour assurer une défense autonome sans les États-Unis (ce qui devraient réjouir tous les contempteurs de l'OTAN).

    Après Jacques Delors, l'Union Européenne a aussi péché par manque de leadership européen, dans le sens de personnalités charismatiques qui puissent pousser la construction européenne. La plupart des dirigeants européens pendant ces vingt dernières années ont été des européens par raison et pas par passion, adeptes d'une liberté économique qui refuse de voir les atteintes extérieures à une concurrence loyale (sans protectionnisme). La chance aujourd'hui d'avoir Emmanuel Macron à l'Élysée, c'est la même que lorsque Valéry Giscard d'Estaing y était : il est Européen par passion et est capable, aujourd'hui, d'impulser une véritable relance de la construction européenne, dans le domaine de la souveraineté économique et industrielle et surtout dans le domaine de la défense. Même l'Allemagne a compris qu'il fallait évoluer dans la conjoncture actuelle, celle de tous les dangers.

     

     
     


    Bien sûr, il reste à répondre à l'épineuse question des futurs élargissements. Actuellement, neuf pays sont candidats reconnus à l'adhésion, principalement des anciens pays de l'ex-Yougoslavie (Serbie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Monténégro), l'Albanie, mais aussi l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie et la Turquie. Le Kosovo n'est pas encore reconnu officiellement comme candidat à l'adhésion. Quant aux trois autres États européens, l'Islande, la Norvège et la Suisse, elles ont renoncé à adhérer respectivement le 12 mars 2015, le 28 novembre 1994 et le 27 juillet 2016, pour certains après trois tentatives (pour la Norvège, par exemple, en 1962, en 1972 et en 1994).

    Comme pour la Grèce en 1981, et pour l'Europe centrale et orientale en 2004-2007, l'intégration de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie, dont les candidatures ont été reconnues officiellement par les Conseils Européens du 23 juin 2022 et du 14 décembre 2023, les considérations politiques et de solidarités devraient l'emporter sur des considérations purement économiques ou même institutionnelles.

    L'enjeu de l'Union Européen reste historique et est une construction originale et inédite dans l'histoire des nations car elle se fait à la fois selon la volonté de chaque peuple qui la compose et avec la force d'une unité qui en fait un bloc incontournable dans la planète, avec cette devise très significative : unis dans la diversité. L'Union Européenne du 1er mai 2024 est un bloc humain peuplé de 450 millions d'habitants sur une superficie de 4,2 millions de kilomètres carrés, troisième puissance mondiale en PIB nominal après les États-Unis et la Chine.

    Elle n'est pas parfaite, elle a beaucoup de défauts, mais c'est parce que cette construction s'est toujours faite avec la volonté des peuples qu'elle se réalise très lentement. Elle est l'anti-modèle des autocrates au pouvoir de toute obédience, et à ce titre, elle est dénigrée par tous ceux qui refusent les principes de démocratie, liberté, égalité, laïcité. C'est pour cela qu'il faut précieusement conserver cette organisation et la faire vivre avec le plus de démocratie possible. Car on l'oublie un peu trop souvent : le citoyen européen a la chance et le privilège de pouvoir voter dans les conditions normales d'une véritable démocratie, à savoir que son vote puisse être secret, libre, et sincère, sans pression de personne ou de groupe.


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    Sylvain Rakotoarison (27 avril 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
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    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
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    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
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    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240501-elargissement-europe.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/il-y-a-20-ans-l-elargissement-de-l-254213

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/27/article-sr-20240501-elargissement-europe.html


     

  • Les 120 ans de l'Entente cordiale

    « C'est la première fois dans l'histoire de l'Élysée qu'une troupe étrangère est invitée à participer à ce rituel militaire [de la relève]. » (Communiqué de l'Élysée).

     




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    Au milieu de la matinée de ce lundi 8 avril 2024, c'est la relève croisée de la garde entre le Palais de l'Élysée à Paris et Buckingham Palace à Londres. Seize gardes britanniques de la Number 7 Company Coldstream Guards de l'ambassade du Royaume-Uni à Paris participent en effet à la relève de la garde devant la Présidence de la République française. Réciproquement, les gardes français de deux sections des 1er et 2e Régiments d'infanterie de la Garde républicaine font de même devant le palais du roi Charles III. Pourquoi une telle cérémonie mutuelle ? Pour célébrer comme il se doit le 120e anniversaire de l'Entente cordiale.

    Le 8 avril 1904 à Londres a été en effet signée une série d'accords bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni. Les deux pays, pendant des siècles, se sont souvent considérés comme des adversaires sinon des ennemis. Et les guerres napoléoniennes n'ont pas arrangé leurs relations (en gros, depuis le XIIe siècle, jusqu'en 1815). Un premier rapprochement a eu lieu entre le roi Louis-Philippe et la reine Victoria, qui s'est recueillie en 1840 devant le cercueil de Napoléon Ier installé sous le dôme des Invalides (aux côtés du futur Napoléon III).

    L'expression "entente cordiale" a été proposée dès octobre 1843 par Lord Aberdeen (George Hamilton-Gordon), Ministre britannique des Affaires étrangères du 2 septembre 1841 au 6 juillet 1846 (« a cordial good undestanding »), et elle a été reprise en novembre 1843 par François Guizot, Ministre français des Affaires étrangères du 29 octobre 1840 au 24 février 1848, pour le discours du roi.

    Ce sont deux diplomates français, Paul Cambon et Léon Geoffray, qui ont convaincu Théophile Delcassé, alors Ministre français des Affaires étrangères (du 28 juin 1898 au 6 juin 1905), de l'intérêt de tels accords. Léon Geoffray, premier conseiller à l'ambassade de France à Londres à partir de 1895, sentait un esprit très anti-français en Grande-Bretagne, au point de noter le 9 août 1898 : « On se dit que le Français est l'adversaire-né de l'Angleterre (…). Si bien que, sans désirer un conflit armé avec notre pays, une certaine partie de la nation anglaise s'habitue à l'idée que ce conflit peut éclater un jour, et même qu'il ne saura manquer d'éclater. » (à l'époque, la France occupait Fachoda et l'armée britannique y avait humilié l'armée française, dans une sorte de frénésie de compétition de colonisation en Afrique). Paul Cambon, ambassadeur de France au Royaume-Uni de 1898 à 1920, était son supérieur hiérarchique.


    Le rapprochement entre les deux pays s'est fait progressivement et s'est accéléré avec l'avènement d'Édouard VII (en 1901). À la fin de sa visite à Paris en mai 1903, reçu en grandes pompes par le Président français Émile Loubet, le roi d'Angleterre déclara : « Avant de quitter le sol français, je désire vous remercier encore une fois très chaleureusement pour l’accueil amical que vous et votre gouvernement et le peuple m’ont accordé en France, et pendant mon séjour à Paris, dont le souvenir ne s’effacera jamais de ma mémoire. ». En juillet 1903, ce fut le tour d'Émile Loubet de se rendre à Londres, accompagné de Théophile Delcassé.

    Dans ces accords du 8 avril 1904, les deux plus grands empires coloniaux se partageaient un certain nombre de territoires. Ainsi les droits de pêche français étaient reconnus au large de Terre-Neuve, la domination de l'Égypte était reconnue au Royaume-Uni, celle du Maroc à la France, un partage était effectué au Siam (Thaïlande), et la souveraineté française était reconnue à Madagascar. Quant aux Nouvelles-Hébrides, une commission allait réfléchir à une solution diplomatique.

    Au-delà de ces arrangements concrets, l'Entente cordiale avait un but pour la France, se renforcer face à l'Empire allemand (qui s'était unifié et avait annexé l'Alsace-Moselle en 1871), lui permettant d'être plus puissant dans ses colonies (du reste, l'Allemagne préférait occuper ses ennemis potentiels dans leurs colonies plutôt qu'en Europe, même si elle y avait des intérêts, comme au Maroc).

    Du côté britannique, l'Entente cordiale a constitué un changement de paradigme diplomatique alors que la Grande-Bretagne, jusque-là, gardait plutôt une certaine neutralité sur le continent européen. Mais le développement d'une marine allemande puissante menaçait directement la suprématie britannique sur les mers, ce qui motiva cette alliance.

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    Ce qui est intéressant à savoir, c'est qu'au même moment, un rapprochement entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne était aussi en cours de discussion, mais l'Allemagne, considérant qu'une alliance franco-britannique était impensable, a finalement abandonné toute idée d'accord germano-britannique malgré plusieurs années de négociations.

    Un dessin humoristique publié dans "L'Oncle de l'Europe" en 1906, insistait ainsi sur le fait que l'Entente cordiale s'était conclue sur le dos de l'Allemagne, représentée par des oies sauvages. Beaucoup de journaux qui illustraient de différentes manières cette Entente cordiale avaient publié, avant 1904, de nombreux dessins très anti-britanniques !

    Un peu plus tard, le 31 août 1907, le Royaume-Uni et la Russie ont signé un accord d'entente. Avec l'alliance franco-russe amorcée le 16 janvier 1892, ces trois accords bilatéraux ont formé la Triple-Entente qui fut essentielle pendant la Première Guerre mondiale face aux deux empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie). La France avait réussi à "neutraliser" l'Italie (pourtant faisant partie de la Triple Alliance) par des concessions en Libye. En revanche, les alliances russes furent dénoncées avec l'arrivée des bolcheviks au pouvoir à Moscou. L'une des principales décisions (que la Russie n'a donc pas respectée pour cause de Révolution d'octobre) fut de refuser toute paix séparée avec l'Allemagne ou avec l'Autriche-Hongrie.

    Dans un communiqué du Quai d'Orsay le 5 avril 2024, le Ministère a souligné que l'Entente cordiale avait été l'amorce de nouvelles relations : « Ces accords constitueront le point de départ et le ciment d’une fructueuse coopération entre nos pays ainsi que d’une solidarité sans faille face aux épreuves ayant marqué le XXe siècle, notamment au cours des deux guerres mondiales. Dans les moments les plus sombres, nous sommes restés côte à côte pour défendre nos valeurs et promouvoir la paix en Europe et dans le monde. Nos deux pays ont su construire une relation bilatérale forte et une coopération étroite dans les enceintes multilatérales, que ce soit sur le plan militaire au sein de l’OTAN ou diplomatique au sein du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. L’héritage de l’Entente cordiale a aussi permis de rapprocher nos deux peuples en créant les conditions d’échanges culturels, éducatifs et commerciaux afin de consolider une véritable amitié. Aujourd’hui, nous échangeons dans tous les domaines et travaillons ensemble pour affronter les défis du futur. Face à la résurgence des conflits en Europe, nous pouvons nous appuyer sur les Traités de Lancaster House. Face aux changements climatiques, nous collaborons pour résoudre la crise énergétique et mieux protéger l’environnement et la biodiversité. Dans le domaine des nouvelles technologies, nous travaillons étroitement sur les opportunités que peut nous apporter l’intelligence artificielle mais aussi sur les risques qu’elle peut générer. ».

    Pour Emmanuel Macron : « Cet anniversaire est ainsi l'occasion de promouvoir les liens historiques militaires, diplomatiques, économiques et culturels qui unissent la France et le Royaume-Uni et de réaffirmer nos valeurs communes. ». C'est d'autant plus important que le contexte de la guerre que mène de manière agressive la Russie contre l'Ukraine remet en cause tous les équilibres en Europe. C'est donc toujours très utile de réaffirmer nos liens d'amitié.

    À l'occasion de ce 120e anniversaire de l'Entente cordiale, un colloque est organisé les 23 et 24 mai 2024 par l'Université Paris Panthéon-Assas et l'Université de Poitiers, au Centre Panthéon, à Paris (12 place du Panthéon). Seront abordés les trois thèmes suivants : approches historiques, enjeux migratoires et économiques, approches juridiques
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    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 avril 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Le souverain cancer de Charles III.
    Le retour surprise de David Cameron.
    Charles III en France : oublié le Brexit, vive l'Entente cordiale !
    David Hockney.
    Richard Attenborough.
    Jane Birkin.
    Kim Wilde.
    Couronnement plus vieux, couronnement heureux !
    Tony Blair.
    Discours de Tony Blair à l'Assemblée Nationale le 24 mars 1998 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Êtes-vous invité au couronnement ?

    Margaret Thatcher.
    John Major.
    Michael Heseltine.

    Audrey Hepburn.
    Anthony Hopkins.
    Alireza Akbari.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Élisabeth II, la reine des Français ?
    Howard Carter.
    La BBC fête son centenaire.
    Rishi Sunak.
    Qui succédera à Liz Truss ?
    Liz Truss.
    Le temps du roi Charles III.
    Je vous salue Élisabeth, pleine de grâce…
    Archie Battersbee.
    Diana Spencer.
    Theresa May.

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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240408-entente-cordiale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/les-120-ans-de-l-entente-cordiale-253863

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/08/article-sr-20240408-entente-cordiale.html





     

  • Ursula von der Leyen rend hommage à Jacques Delors

    « L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. » (Ursula von der Leyen, le 31 janvier 2024 à Bruxelles).




     

     
     

    L'ancien Ministre de l'Économie et des Finances Jacques Delors est mort le 27 décembre 2023 à l'âge de 98 ans. Sa disparition a provoqué une grande émotion et de nombreux hommages pour celui qui est désormais considéré comme l'un des pères de l'Europe moderne, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing de Helmut Kohl.

    Car ce qui a marqué l'histoire n'est pas d'avoir été pendant trois ans l'impossible grand argentier de la gauche socialo-communiste qui jouait dans la surenchère dépensière (en considérant que l'argent public venait du ciel et pas de la poche des contribuables), trois ans marqués par de nombreux épisodes de chantage à la démission (c'est pour cela que Matignon lui était interdit), mais d'avoir passé dix années très utiles et très actives à la Présidence de la Commission Européenne, de janvier 1985 à janvier 1995, une fonction qu'il a sublimée (comme Simone Veil a sublimé la Présidence du Parlement Européen), en en faisant un dirigeant international à part entière, invité aux G7, G8, G20, et à différents sommets internationaux.

    Les hommages officiels et autres ont eu lieu après le Nouvel An, car mourir entre Noël et le Nouvel An n'assure pas une très forte écoute et participation à des hommages. Il y a eu l'hommage solennel de la France à Jacques Delors le 5 janvier 2024 aux Invalides, à Paris, présidé par le Président de la République française Emmanuel Macron et auquel a assisté celui de sa lointaine successeure, Ursula von der Leyen. Et il y a eu l'hommage de l'Europe à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles dont le discours principal fut prononcé par Ursula von der Leyen. Au cours de cette cérémonie du 31 janvier 2024, il y a eu de nombreux témoignages et des interludes musicaux.

    La Présidente de la Commission Européenne avait déjà fait deux déclaration en hommage à Jacques Delors. Une première en réaction à l'annonce de sa disparition, le 27 décembre 2023 : « Nous sommes tous les héritiers de l'œuvre de la vie de Jacques Delors : une Union Européenne dynamique et prospère. Jacques Delors a forgé sa vision d'une Europe unie et son engagement pour la paix durant les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. D'une intelligence remarquable et d'une humanité incomparable, il a toute sa vie été le défenseur infatigable de la coopération entre les nations européennes, puis du développement de l'identité européenne. Une idée à laquelle il a donné vie grâce, entre autres, à la mise en place du Marché unique, du programme Erasmus et des prémices d'une monnaie unique, façonnant ainsi un bloc européen prospère et influent. Sa Présidence de la Commission Européenne a été caractérisée par un engagement profond pour la liberté, la justice sociale et la solidarité, des valeurs désormais ancrées dans notre Union. Jacques Delors était un visionnaire qui a rendu l'Europe plus forte. Son œuvre a eu un impact profond sur la vie de générations d'Européens, dont la mienne. Nous lui sommes infiniment reconnaissants. Honorons son héritage en renouvelant et redynamisant sans cesse notre Europe. ».

    Le soir du 5 janvier 2024, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, alors qu'elle avait participé à l'hommage national à Paris aux Invalides le matin aux côtés d'Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen est revenue sur l'héritage de Jacques Delors devant, entre autre, le roi des Belges, le Président du Conseil de Belgique et le Président du Conseil Européen (qui est également belge), à l'occasion du début de la Présidence belge du Conseil de l'Union, en insistant sur le fait qu'elle parlait dans les lieux même du dernier discours de Jacques Delors comme Président de la Commission Européenne il y a vingt-neuf ans (le 19 janvier 1995) : « Nous devons tant à Jacques Delors. Il a fait d'une Communauté économique une Union des personnes et des nations. L'une de ses formules m'accompagne depuis le tout premier jour de mon mandat. Il a dit : "C'est le moment de donner une âme à l'Europe". Il l'a prononcée au début des années 1990. La chute du Rideau de fer avait suscité de grands troubles sur le plan géopolitique, mais aussi de grands espoirs de voir l'Europe enfin réunie sous le signe de la paix et de la démocratie. Jacques Delors a été le premier à comprendre qu'il ne fallait pas seulement élargir la Communauté, mais unifier l'Europe. Et pour cela, il fallait que l'Europe redécouvre son âme. Nous devions retourner à nos origines, aux valeurs fondatrices de notre Union, afin d'être à même de forger notre avenir (…) Ce soir, je veux parler non seulement de tout ce que Jacques Delors a fait pour nous, mais aussi de la façon dont il peut nous inspirer. Jacques Delors a présidé la Commission dans une période marquée par des défis géopolitiques colossaux (…). Alors que nous faisons face à de nombreux défis semblables aujourd'hui, inspirons-nous de ses convictions. (…) Quelles que soient nos difficultés, aussi insurmontables puissent-elles paraître, nous devons toujours garder à l'esprit son conseil aux générations futures : "La Grande Europe a son avenir devant elle. N'ayez pas peur, nous y arriverons". ».

     
     


    Ursula von der Leyen a présidé la cérémonie d'hommage européen à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles. Si Emmanuel Macron était absent, en revanche, les membres de sa famille y étaient, dont Martine Aubry, ainsi que François Hollande (sauf erreur de ma part), et de très nombreux chefs d'État et de gouvernement européens, notamment le Président roumain Klaus Werner Iohannis, le Président lituanien Gitanas Nauséda, le Président chypriote Nikos Christodoulides, le Premier Ministre polonais Donald Tusk (qui fut aussi Président du Conseil Européen), le Chancelier allemand Olaf Scholz, la Première Ministre estonienne Kaja Kallas, le Premier Ministre néerlandais Mark Rutte, le Premier Ministre portugais Antonio Costa, le Premier Ministre espagnol Pedro Sanchez, le Premier Ministre croate Andrej Plenkovic, le Premier Ministre grec Kyriakos Mitsotakis, le Premier Ministre belge Alexander De Croo, le Premier Ministre danois Mette Frederiksen, le Premier Ministre maltais Robert Abela, le Premier Ministre irlandais Leo Varadkar, le Premier Ministre bulgare Nikolaï Denkov, le Premier Ministre finlandais Petteri Orpo et le Premier Ministre du Luxembourg Luc Frieden.
     

     
     

    La chef de l'exécutif européen a commencé par la foi en l'Europe de Jacques Delors : « Trop peu a été dit sur sa foi en l'Europe comme communauté de destin. On le sait, Jacques Delors était croyant. Un homme de foi, justement. C'était aussi un homme convaincu que l'être humain s'accomplit en étant engagé dans la société, au profit de son prochain. Et enfin, c'était un témoin de première main de la douloureuse histoire européenne et de ses conséquences humaines si tragiques. De tout cela découle sa conviction que notre horizon devait être une union sans cesse plus étroite entre les nations européennes et les peuples qui la composent. Dans un cadre de paix, de liberté et de solidarité. Un horizon moral et historique en somme, autant que la solution pragmatique à nos défis. Comme il l'a dit lui-même dans un discours devant le Parlement Européen : "L'Europe, menacée d'être malade de ses divisions, demeure formidablement riche de ses diversités. Il convient de les préserver, mieux, de les faire fructifier pour le bien commun". Et pour Jacques Delors, cette communauté de destin devait avoir pour socle le principe de subsidiarité. "Principe de respect du pluralisme, et donc des diversités" disait-il. L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. »

    À son actif pour faire renaître l'idéal européen, il y a eu le Marché unique : « C'est l'objectif 1992 : un vaste projet pour créer un marché unique réunissant plus de 300 millions d'habitants. Un véritable espace sans frontières. Un espace de liberté de circulation. Pour les marchandises, bien sûr, mais aussi les capitaux, les services et, non moins important, les personnes. Donc un levier pour relancer l'économie européenne et la rendre plus compétitive. Mais aussi un appel aux citoyens à s'approprier l'espace européen. En faisant cela, Jacques Delors a accompli l'exploit de relancer l'Europe en s'appuyant sur l'économie. De créer de l'optimisme en pleine crise économique. ».

    Il y a eu aussi l'Acte Unique européen pour confirmer le Marché unique de 1992 en s'en donnant les moyens : « En élargissant le champ des décisions à la majorité qualifiée, avancée fondamentale ; en étendant les compétences européennes dans les domaines de la politique industrielle, de la recherche et encore de l'environnement. Et enfin et surtout, en plaçant la cohésion sociale et régionale au cœur des priorités européennes. (…) La cohésion territoriale pour réduire les différences entre États membres et entre régions, bien sûr. Et la cohésion sociale, pour lutter contre les inégalités. Cette dimension était chère à Jacques Delors, partisan du dialogue social. ».

     
     


    Il y a eu encore le Traité de Maastricht : « Le Traité qui a lancé l'union économique et monétaire et l'introduction de l'Euro. L'Euro, cette grande étape poursuivie par Jacques Delors, était clairement à la fois le symbole de cette union plus étroite, et l'outil d'une plus grande efficacité et souveraineté économique. ».

    L'une des grandes préoccupations de Jacques Delors fut le rôle de l'Europe dans le monde : « Il comprenait qu'elle ne pourrait le faire qu'avec des instruments de souveraineté partagée. Comme la monnaie unique justement, qu'il contribua à créer et une défense commune. (…) Liberté et solidarité comme valeurs humanistes à promouvoir face aux bouleversements du monde. (…) En tant qu'Allemande qui a vécu dans un pays divisé, je suis très reconnaissante à Jacques Delors pour son engagement pour la réunification de l'Allemagne et sa conviction que l'Europe serait à terme réunifiée. En effet, dès l'automne 1989, Jacques Delors n'hésitait pas à se montrer confiant dans la force de l'intégration européenne. Aux journalistes allemands qui l'interrogeaient le 12 novembre 1989, il disait : "La Communauté Européenne est le centre de gravité de l'histoire de l'Europe. C'est vers elle que regardent les habitants de la RDA, de la Pologne et de la Hongrie. Nous ne devons pas les décevoir, nous devons leur offrir notre aide et notre coopération". (…) Son regard sur le rôle de l'Europe dans le monde allait bien plus loin. C'est en effet la Commission présidée par Jacques Delors qui s'est engagée dans les grands forums internationaux. Tels que le G7 et le G20, la Conférence de Rio, ancêtres de nos COP. J'ai souri en lisant un article de journal, relatant une rencontre entre Jacques Delors et Bill Clinton à la Maison-Blanche en 1993. De quoi ont-ils parlé ? De menaces de tarifs américains sur les importations d'acier européen. Certains combats sont éternels. ».
     

     
     


    Ursula von der Leyen a pris l'exemple de la mission impossible de Jacques Delors pour faire accepter l'euro aux Allemands : « Jacques Delors, chacun s'accorde à le dire, était un maître tacticien et un négociateur patient. Pratique sans doute affûtée pendant ses années de syndicalisme, et bien utile dans le contexte européen. (…) Patience, rigueur, travail. (…) Jacques Delors était un travailleur acharné. Mais toujours, avec pour ambition une avancée significative pour l'Europe et ses citoyens. ».

    La conclusion d'Ursula von der Leyen s'est tourné vers les générations à venir : « Plus qu'un héritage patrimonial, je crois qu'il faut en garder la flamme. Celle de la jeunesse et du programme Erasmus. Celle de la solidarité des fonds structurels et du dialogue social. Celle de la volonté, de l'ambition et du pragmatisme. Car enfin le chemin de notre Europe se réinvente chaque jour. Jacque Delors disait que notre Union européenne était un "OPNI" pour "Objet Politique Non Identifié". Au fond, il nous a appris que l'important est de s'adapter aux nouvelles nécessités. L'important est d'agir avec ambition et réalisme pour affronter les nouveaux défis. L'important est de garder chevillé au corps l'idéal européen. ».

    Ursula von der Leyen est candidate à sa propre succession à la Présidence de la Commission Européenne dans la perspective des élection européennes du 9 juin 2024. Elle est la candidate du PPE, représenté en France par LR dirigé sur le plan européenne par François-Xavier Bellamy (qui s'est opposé paradoxalement à cette candidature). Elle comme tous ses adversaires ont beaucoup de leçons à apprendre de l'expérience de Jacques Delors, véritable ordonnateur de la relance de l'Europe après des années 1970 secouées par une crise économique durable. Il manque aujourd'hui de personnalités providentielles pour poursuivre avec ambition la construction de l'Europe aujourd'hui plongée dans un climat d'euroscepticisme d'extrême droite. Seule, la France d'Emmanuel Macron apporte des propositions pour la faire redémarrer. Mais le volontarisme n'est rien sans la négociation patiente. Telle est la principale leçon de Jacques Delors. Pas sûr qu'elle soit bien apprise.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (03 février 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Discours de Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen en hommage à Jacques Delors le 31 janvier 2024 (texte intégral).
    L'hommage d'Emmanuel Macron à Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage à Jacques Delors dans la cour d'honneur des Invalides à Paris le 5 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Jacques Delors, l'un des pères de l'Europe moderne.
    Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors aurait-il pu être le précurseur d’Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors, l’honneur de la France et de l’Europe.
    Institut Jacques-Delors (créé en 1996).
    Qui peut remplacer Jacques Delors en 2014 ?
    L’occasion ratée de 1995.
    Martine Aubry.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240131-ursula-von-der-leyen.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/29/article-sr-20240131-ursula-von-der-leyen.html